Pensez-vous alors que l’enseignement du francais doit différer selon que cette langue se trouve en situation majoritaire ou en minorité, comme en Colombie Britannique? Vous pensez probablement au facteur de motivation sociale? L’expérience des _ classes d’immersion telle que réalisée au Canada dans le contexte montréalais (pour scolariser en francais des jeunes enfants qui n’avaient au Canada aucune occasion d’apprendre, hélas, le francais), cette experience -celle de Lambert* notamment- a été probablement favorisée par le fait qu’il y avait un milieu d’immersion francophone... Mais je ne vois pas de raisons pour me décourager ici, car les faits sont la pour le prouver... Je pense que la meilleure maniére d’enseigner c’est de parler le francais constamment, c’est d’apprendre le francais en le parlant. On devient francophone en "francophonisant", pour parodier un mot célébre... Si je comprends' bien, vous. critiquez un enseignement du francais préconisant l’usage de l’anglais... Oui. Donc, elle est trés dynamique cette dynamique des langues dont nous parlons, en ce sens qu’on apprend le frangais en pratiquant la langue francaise et on découvre en quelque sorte les limites d’application des régles par VJexpérience. Voila pourquoi l’apprentissage se fait dans de_ bien meilleures conditions avec de jeunes enfants. Ceci s’explique par le fait que leur situation somatique (pour en revenir a nos recherches en neurolinguistique et psycholinguistique) est orientée vers l’apprentissage. Dans la réalité des structures nerveuses, on découvre la double existence de neurones dits instituteurs et de neurones soumis a Venseignement de ces neurones instituteurs. Cela représente une prodigieuse possibilité de démultiplication du processus d’apprentissage. L’effort des enfants reste ainsi extraordinairement bas. Pour en venir au contenu méme du curriculum, inclureriez-vous dans les cours pour débutants des “Wallace Lambert, professeur de trés connu pour ses travaux sur Montréal (Université McGill). 18 psychologie, est Vimmersion a FAITS DE LANGUE... textes dits difficiles (Proust, Gracq, par exemple) ou préconiseriez-vous plutét autre chose? ...Je pense a cette expérience pédagogique en Angleterre (je crois que c’était 4 Manchester ou Birmingham) ot I’on demandait aux éléves débutants de lire Yeates et Shakespeare tout en assumant que |’énorme effort sémantique des éléves favoriserait l’intégration subséquente du savoir linguistique et ceci plus rapidement qu’a l’ordinaire... J’exprime beaucoup de doutes quant a ces expérimentations peu soit tant a la limite de la crédibilité scientifique... Je pense au contraire qu’il faut prendre les choses plus simplement et trés humblement et donc commencer par les choses les plus simples pour en arriver 4 celles qui sont plus difficiles. En tant que bon pédagogue, on se doit d’étre progressif. Quelles sont, selon vous, les chances de survie de la langue francaise en Colombie Britannique? Il est bien difficile de répondre a4 ce sujet. Mais si len’ est un peu optimiste et si on peut espérer qu’il y aura un changement de mentalité 4 l’égard de la langue de l’autre dans cette situation de bilinguisme ot nous nous trouvons, le francais sera possible dans les conditions de survie actuelle... L’arrivée massive de nouveaux immigrants sur la céte du Pacifique Nord Ouest aurait-elle changé l’attitude des Anglophones vis 4 vis de la langue francaise? Qui. Je pense qu’il y a eu changement dans les attitudes et dans les moeurs; mais on ne sait pas ce qui se passe au fond des coeurs. Mais je demeure optimiste... I] y a une sorte de disponibilité 4 légard de Vautre (l’étranger est, n’est-ce pas, celui qui n’a pas l’anglais pour langue maternelle) qui me semble évoluer favorablement, dans une certaine mesure. Serait-ce cela qui expliquerait le succés de |’école d’immersion? Je crois que les considérations qui rentrent dans les décisions des parents -et qu’on taxent parfois de "snobistes"- se vérifieront par le fait que cet enseignement est un succés. Et quelles que soient les critiques que |’on puisse faire 4 l’égard de la qualité du frangais -et je répéte ici qu’elle laisse parfois a Le Chronographe Hiver 1986-87 Volume III-4