Plein pouvoir aux femmes syndiquées : Horizon 2000 Rapport de la 7e Conférence nationale biennale sur la condition féminine - Ottawa, novembre 1990 TABLE DES MATIERES PROGRAMME DE LA CONFÉRENCE . ........................................... ’.................................. 3 RAPPORT DES DISCUSSIONS EN ATELIERS ET RECOMMANDATIONS ................... 5 ALLOCUTION D’OUVERTURE Nancy Riche Vice-présidente exécutive, Congrès du Travail du Canada................................. 9 MOT D’ACCUEIL DE LA FTO Julie Davis Secrétaire-trésorière, Fédération du travail de l’Ontario.....................................11 DISCOURS D’OUVERTURE Shirley G. E. Carr Présidente, Congrès du Travail du Canada.......................................................... 13 TABLE RONDE - REGARD SUR NOS RÉALISATIONS Huguette Plamondon Ancien membre du Conseil exécutif, CTC Syndicat international des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce.................................................................... 17 Grace Hartman Ancienne présidente, Syndicat canadien de la Fonction publique .................... 21 CONFÉRENCIÈRE D’HONNEUR Audrey McLaughlin Chef du Nouveau Parti démocratique................................................................. 25 TABLE RONDE - LES FEMMES ET LES SYNDICATS : LES DÉFIS À RELEVER Muriel Collins Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 79............................ 29 Nicole Désormeaux Union internationale des employés des services, section locale 298 ................... 31 Peggy Nash Adjointe au président, Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole du Canada.............. 35 CONFÉRENCIÈRE D’HONNEUR - LES FEMMES, LA PROTESTATION ET LE POUVOIR Judy Rebick Présidente, Comité canadien d’action sur le statut de la femme....................... 39 ALLOCUTION DE CLÔTURE Nancy Riche Vice-présidente exécutive, Congrès du Travail du Canada......................................... 45 PROGRAMME DE LA CONFÉRENCE Objectif À l’aube de la nouvelle décennie qui nous laisse entrevoir l’an 2000, il n’importe de dresser le bilan des progrès que nous avons réalisés dans notre lutte pour l’égalité des femmes et de nous préparer pour l’avenir. Quelles sortes de syndicats les femmes rechercheront-elles en l’an 2000? Comment les femmes s’approprieront-elles des pouvoirs? Avec qui s’allieront-elles? Au cours des séances plénières et des ateliers, les participants et participantes discuteront des réponses que les femmes ont obtenues à leurs demandes au cours des décennies passées et évalueront les initiatives de syndicalisation qui ont été entreprises pour accroître la participation des femmes aux activités syndicales. La conférence mettra l’accent sur l’élaboration de stratégies d’action collective au sein des syndicats afin d’accroître le pouvoir d’accomplissement des femmes au travail et dans les collectivités. Programme Mercredi 14 novembre 1990 Jeudi 15 novembre 1990 (suite) 16 h à 19 h 30 Inscription 13 h 30 à 17 h Ateliers 16 h à 18 h 30 Orientation 20 h 30 Réception/Bar payant Représentation culturelle 19 h 30 Ouverture de la conférence Mot de bienvenue Nancy Riche Vice-présidente exécutive, CTC Vendredi 16 novembre 1990 9 hà midi Ateliers (suite) Mot d’accueil de la FTO Midi Pause-repas Discours d’ouverture Shirley G.E. Carr Présidente, CTC 13 h 30 à 17 h Ateliers (suite) 20 h Samedi 17 novembre 1990 "Regard sur nos réalisations" Table ronde et discussion 21 h 9 h Séance plénière Résumé et recommandations 11 h 30 Les femmes, la protestation et le pouvoir Judy Rebick Présidente, Comité canadien d ’action sur le statut de la femme Réception/Bar payant Jeudi 15 novembre 1990 8 h 30 Inscriptions tardives 9 h Conférencière invitée Audrey McLaughlin Chef du Nouveau Parti démocratique 10 h Les femmes et les syndicats : les défis à relever Table ronde et discussion Midi Pause-repas Invitées et invités internationaux 12 h 30 3 Mot d’adieu et de clôture Nancy Riche Vice-présidente exécutive, CTC RAPPORT DES GROUPES DE TRAVAIL ET RECOMMANDATIONS race blanche et qui fait en sorte que nos consoeurs des minorités visibles, les femmes autochtones, immigrantes, handicapées ou lesbiennes sont doublement victimes de l’inégalité perpétuée par cette forme de pouvoir. Nous voulons conserver certains attributs du pouvoir et en modifier d’autres. Essentiellement, nous voulons éliminer les aspects du pouvoir qui font place à l’abus et à la manipulation. Nous voulons transformer la notion que le pouvoir donné à l’un ou à l’une est un pouvoir enlevé à l’autre. Nous voulons conserver notre amour-propre, le pouvoir de réaliser des changements constructifs et le pouvoir d’agir collectivement. La plupart ont convenu que les femmes n’exercent généralement pas leur pouvoir de la même façon que les hommes: les femmes ont tendance à partager le pouvoir alors que les hommes cherchent plutôt à le monopoliser. Il n’en demeure pas moins que les participantes se sont montrées préoccupées par le fait que les femmes ne souscrivent pas toutes à l’idée progressiste du partage du pouvoir. On a donc parlé des femmes qui n’appuient pas leurs semblables. D’autres ont parlé de personnalités politiques, notamment de Margaret Thatcher qui s’est servi de son pouvoir pour promouvoir des politiques qui vont à l’encontre des intérêts des femmes et de la classe ouvrière. Nous avons également compris que le pouvoir n’est pas une réalité qui s’applique uniquement au milieu de travail, aux syndicats ou à l’arène politique. De nombreuses femmes ont parlé du pouvoir et de leur sentiment d’impuissance dans leur vie personnelle, de leur incapacité de convaincre leur conjoint à partager les tâches domestiques et de la résistance de leur familles à leur participation aux activités syndicales. Les participantes d’autres ateliers ont discuté de la différence entre le pouvoir et l’acquisition de pouvoir. Elles ont défini le "pouvoir" comme quelque chose que l’on s’approprie, et "l’acquisition de pouvoir" comme quelque chose que l’on obtient. Enfin, ayant compris les divers aspects du pouvoir, nous nous sommes mises d’accord sur le fait que les femmes qui ont du pouvoir doivent l’exercer pou. accroître le pouvoir des autres. Les participantes aux ateliers ont fait des témoignages personnels sur l’acquisition de pouvoir et l’accroissement du pouvoir des autres. Elles ont "Nous sommes les femmes du syndicat et nous menons notre combat". Il est clair que les femmes ont gagné beaucoup de terrain. Notre présence se fait de plus en plus sentir, et nous sommes en train de transformer tant les perspectives que la structure de nos syndicats. Au fur et à mesure que nous cernons les questions, que nous acquérons de la force et que nous poursuivons notre marche en avant, nous constatons que les changements qui nous permettront de réaliser l’égalité ne se produisent pas du jour au lendemain. La présente conférence donne une impulsion vitale au processus de l’acquisition du pouvoir. Au cours des ateliers, nous avons parlé du pouvoir, de sa définition, de l’acquisition et de l’accroissement du pouvoir, et des façons de le conserver. Les participantes ont généralement défini le pouvoir en fonction de leur vécu, en tant que femmes et en tant que syndicalistes. Au début, certaines se sont montrées réticentes et mal à l’aise face à la question, car elles n’avaient jamais auparavant discuté de la question. Pour d’autres, le pouvoir inspirait la crainte, car il évoquait des images d’intimidation, de domination et de violence — un concept masculin et négatif auquel elles ne s’identifient pas. Plusieurs ont remis en question le fait que les femmes veuillent acquérir du pouvoir. Néanmoins, lorsqu’on nous a demandé de nous pencher tant sur l’aspect positif que sur l’aspect négatif du pouvoir, nous avons découvert qu’il y avait effectivement deux côtés à la médaille. En fait, si le pouvoir comporte un élément de domination et d’oppression, il n’exclut pas pour autant l’influence, la confiance et l’aptitude à prendre en main notre vie et notre destinée. Ce qui importe peut-être davantage, c’est d’avoir le pouvoir de faire des changements importants et, ce faisant, de franchir une autre étape vers la réalisation de l’accès à l’égalité. S’étant penchés sur ces questions, nombre de participantes et de participants ont pris conscience que le pouvoir est ni négatif ni positif en soi, mais qu’il s’exerce de façon positive ou négative. Les participantes et participants ont reconnu la nécessité de modifier la structure actuelle du pouvoir qui favorise particulièrement les hommes riches et de 5 Nul changement ne s’opère sans résistance. Les femmes agissent collectivement et acquièrent du pouvoir, et cet état de fait provoque des réactions à leur égard. Nous devons nous doter des moyens dont nous avons besoin pour faire face au contrecoup, et l’empêcher de nuire à la réalisation de l’égalité. De nombreux exemples du contrecoup ont été mentionnés au cours des ateliers, notamment: • la violence et les menaces de violence; • les coupures du financement des programmes et des initiatives visant à réaliser l’égalité des femmes; • les attaques soutenues contre le libre-choix en matière de reproduction; • le contrecoup politique des groupes tels que REAL Women Canada et la manipulation des soi-disant "valeurs familiales"; • la mise en oeuvre par les employeurs de programmes d’équité en matière d’emploi voués à l’échec; • le racisme; • l’homophobie; • les attaques soutenues menées par le monde des affaires contre les mesures d’équité salariale; • l’hostilité manifeste à l’égard de la lutte pour l’égalité, par exemple, la réaction des hommes à une campagne contre le "viol par une connaissance" menée par les étudiantes de l’université Queen. En tant que syndiquées, nous sommes bien placées pour mener la lutte qui nous aidera à parer au contrecoup. Nous avons accès à des réseaux d’appui bien établis et, sur le plan organisationnel, nous avons plusieurs cordes à notre arc pour réaliser le changement visé. Les femmes actives au sein de leur syndicat doivent tendre la main à leurs consoeurs et étendre leur influence pour qu’un plus grand nombre de femmes acceptent le défi. Le recrutement est d’une importance capitale. Présentement, le secteur qui connaît la plus grande croissance est celui des services, et c’est un secteur généralement non syndiqué dont l’effectif se compose en grande partie de femmes. Pour mener à bien le recrutement, nous devons élaborer des stratégies axées sur les travailleuses. Nous devons, en outre, former des femmes qui comprennent les problèmes des travailleuses pour faire le recrutement. Les stratégies suivantes ont été suggérées dans les ateliers: • L’éducation — Nous ne sommes pas sans savoir que l’un des principaux éléments du contrecoup raconté comment elles s’étaient portées candidates, pour la première fois, à un poste au sein de leur syndicat où les postes étaient occupés en grande partie par des hommes. Elles ont aussi raconté comment elles avaient abandonné un emploi pour accepter un poste au sein d’une profession où l’on retrouve traditionnellement une faible proportion de femmes. Une participante a expliqué qu’elle avait éprouvé un sentiment de pouvoir pour la première fois à ses cours de karaté; en faisant valoir ses aptitudes physiques, elle avait repris confiance dans d’autres domaines. Une autre intervenante a illustré les notions de pouvoir et d’acquisition de pouvoir au moyen d’une anecdote concernant sa fille de 12 ans. Cette dernière était d’avis qu’elle ne recevait pas une formation satisfaisante à l’école qu’elle fréquentait et, en outre, soutenait que ses professeurs l’humiliaient. Elle s’était alors adressée au bureau du premier ministre, Bob Rae, et avait fait part de son problème à l’un des membres du personnel. Quelques jours plus tard, le Premier ministre avait téléphoné à la mère de la jeune fille pour lui recommander une autre école. Grâce à cette expérience, la mère et la fille ont acquis du pouvoir. Elles ont toutes deux appris que l’on peut prendre sa destinée en main en ayant foi en son pouvoir. La décision de regrouper tous les hommes en un seul et même atelier a fait l’objet de controverse. Il était évident qu’un grand nombre d’hommes, et quelques femmes, étaient en faveur d’ateliers mixtes qui permettraient aux hommes de prendre connaissance des préoccupations des femmes. D’autres étaient fermement d’avis que les hommes devraient plutôt discuter entre eux du rôle qu’ils devraient jouer dans la lutte pour l’égalité des femmes, et que les femmes devraient pouvoir traiter entre elles des questions du pouvoir et du sentiment d’impuissance qui, bien souvent, s’avèrent pénibles. Bien que la controverse ait été source de tensions, elle a incité les participants et participantes à aborder une question de plus vaste portée: le rôle des hommes dans l’accroissement du pouvoir des femmes. La question des ateliers réservés aux hommes n’a pas fait l’objet d’un consensus, mais a été l’occasion d’une franche discussion. S’il a eu terrain d’entente à un sujet, c’est plutôt sur la prise de conscience que les ateliers exclusifs ne seront plus nécessaires une fois que les femmes auront réalisé l’objectif de la pleine égalité. Au sein de leur atelier, les hommes ont parlé de ce que vivent les femmes et ont discuté de diverses questions, dont le sexisme et le harcèlement sexuel. 6 • • • nous pencher sur certaines questions, tels les endroits et les heures des réunions, et détermine' si elles constituent un obstacle pour les femmes, et particulièrement celles qui ont des enfants. • La formation de coalitions — Les syndiquées ne sont pas seules à lutter pour l’égalité des femmes. Nous devons joindre nos efforts à ceux d’autres organismes progressistes, tel le Comité canadien d’action sur le statut de la femme, afin de nous attirer des partisans et des partisanes. L’exemple de la vie familiale illustre clairement que les femmes exercent du pouvoir. Nos mères et nos grands-mères étaient bien souvent celles qui prenaient les décisions, qui réglaient les problèmes et qui s’acquittaient de l’administration financière de la famille. Pourtant, aujourd’hui, l’expérience et les compétences des femmes ne sont pas toujours reconnues au sein des syndicats, au travail et dans la collectivité. Bien souvent, les femmes sentent qu’elles ne peuvent prendre leur propre vie en main. Les obstacles à l’exercice du pouvoir comprennent: • le sexisme, le racisme et T’homophobie"; • le manque d’accès aux services de garderie de qualité à prix abordables; • le manque de respect de la part des hommes et d’autres femmes; • la représentation négative des femmes dans les médias; • l’absence de la liberté de choisir d’avoir ou non des enfants; • la violence faite aux femmes au foyer, au travail et dans la rue; • le harcèlement physique et verbal; • la pornographie; • la crainte du pouvoir inspirée par l’image négative présentée par les personnes qui exercent le pouvoir; • le partage inégal des tâches domestiques; • l’absence de congé aux fins de responsabilités familiales ou de crises familiales; • le manque de formation et de compétences, et l’accès limité aux études. Nous pouvons contribuer au changement de diverses façons, tant par un simple vote que par notre engagement à faire changer les attitudes profondément ancrées. Le mouvement syndical met à notre disposition les moyens dont nous avons besoin pour opérer dvs changements en milieu de travail et dans la société: les réseaux d’appui, par exemple, et les comités de femmes qui sont au coeur de l’évolution du mouvement syndical. est l’ignorance, et que l’éducation est l’un de nos principaux instruments de travail. Nous devons utiliser un éventail de moyens, dont la formation de réseaux, la distribution de prospectus, les bandes vidéo, les bulletins de nouvelles. Nous devons diffuser notre message de façon claire et nette, dans une langue accessible à toutes et à tous. Nous devons recueillir des données et des statistiques sur les femmes du mouvement syndical. Nous devons nous renseigner sur la proportion de femmes au sein de nos syndicats et sur le nombre de femmes qui occupent des postes, qui assistent aux congrès et qui prennent part aux programmes de formation syndicale. La négociation collective — Les syndiquées ont réussi dans une certaine mesure à améliorer leur situation par la voie de la négociation collective. Nous devons intensifier nos efforts en ce sens et veiller à ce que nos conventions collectives traitent de façon efficace des sujets tels que le harcèlement sexuel, les avantages aux conjoints et conjointes de même sexe, les services de garde d’enfants, les questions touchant particulièrement les femmes en matière de santé et sécurité, et les congés pour urgences familiales. La sensibilisation du public — La condition féminine et les questions qui touchent les femmes doivent être soulignées davantage. Nous devons veiller à ce qu’il se dégage un message positif des articles que publient les médias sur les femmes syndiquées et les femmes en général. Les structures syndicales — Les syndicats doivent former des comités de femmes à tous les paliers, non seulement pour des raisons de convenances, mais parce qu’ils reconnaissent la légitimité de ces comités en tant qu’élément essentiel du processus décisionnel. On doit accorder à ces comités un budget qui leur permette de mener à bien leurs activités. Les comités de femmes ne suffisent toutefois pas à éliminer les obstacles inhérents à la structure et qui nuisent à la réalisation de l’égalité au sein des syndicats. Nous devons réexaminer la structure de nos conseils exécutifs et des autres groupes et comités à qui il revient de prendre les décisions. Nous devons trouver les moyens de rendre les structures représentatives, c’est-à-dire voir à ce que les femmes y soient représentées proportionnellement. En outre, nous devons 7 aujourd’hui, réside dans l’accroissement de notre détermination à exercer notre pouvoir pour qu’un changement s’opère. "Nous sommes les femmes du syndicat, et nous menons notre combat." Nous devons travailler activement à accroître notre pouvoir et celui d’autres femmes, notamment en posant notre candidature aux postes syndicaux et des divers paliers gouvernementaux. En tant qu’électrices, nous devons chercher à accroître le nombre de femmes dans les charges publiques et appuyer les candidates qui partagent nos visions. Nous devons utiliser nos réseaux d’appui dans la lutte que nous avons entreprise en vue d’améliorer les lois en matière d’équité salariale, les programmes d’action positive, les services de garde d’enfants, le congé de maternité et le congé pour responsabilités familiales. Nous devons prendre des mesures pour enrayer le langage sexiste et la discrimination fondée sur la préférence sexuelle. Nous devons revendiquer un accès accrue à l’éducation et aux cours de sensibilisation et de perfectionnement, tant au sein des syndicats que dans les écoles. Nous devons nous assurer que l’enseignement donné à nos enfants respecte les principes de l’égalité dès la maternelle. Les conférences sur la condition féminine, telle la présente, nous donnent un regain d’énergie: elles raniment nos forces et notre optimisme. Nous devons en profiter et nous mettre à l’oeuvre à tous les paliers: local, régional et national. Nous devons, entre autres: • nous faire entendre aux réunions syndicales et locales; • appuyer les femmes investies de pouvoirs en vertu du poste qu’elles occupent, à tous les paliers; • nous intéresser à l’éducation de nos enfants; • dire "non" aux plaisanteries sexistes, racistes et homophobiques; • appuyer les campagnes du "non c’est non" menées sur les campus des universités; • dresser des lignes directrices sur les mesures à prendre à l’égard de la violence faite aux femmes, du harcèlement et de la discrimination, ainsi que sur la façon de déposer une plainte; • veiller à ce qu’une personne chargée de défendre nos droits (une ombudspersonne) soient présentes aux fonctions du CTC pour s’occuper des plaintes de harcèlement sexuel; • voir à ce que le CTC publie un bulletin de nouvelles sur la condition féminine; • encourager les femmes autochtones, lesbiennes, immigrantes, handicapées et des minorités visibles à participer aux activités syndicales. Un grand nombre des questions abordées au cours de la conférence font l’objet de discussion depuis plusieurs décennies. La différence, 8 ALLOCUTION D’OUVERTURE Nancy Riche Vice-présidente exécutive Congrès du Travail du Canada les présenterai pas, parce qu’elles sont trop nombreuses, mais ce sont les meilleures. Je commencerai d’abord par vous présenter celle qui a lancé la vogue des premières et qui nous apporte les bons voeux de la Fédération du travail de l’Ontario. Elle a d’abord été la première femme du SCFP à passer du rang de secrétaire à celui de représentante syndicale. Elle fut aussi la première permanente, jusqu’à maintenant, de la Fédération du travail de l’Ontario et elle est actuellement la première femme à occuper le poste de secrétairetrésorier de la Fédération du travail de l’Ontario. Je vous présente notre consoeur Julie Davis. Je suis heureuse de vous souhaiter la bienvenue à la septième Conférence nationale biennale du CTC sur la condition féminine. (L’auditoire est gagné d’avance: il suffit de dire "bienvenue" et tout le monde applaudit!) Certaines d’entre vous ont participé aux six autres conférences sur la condition féminine. Quelques-unes ont même organisé la toute première conférence, et certaines ont organisé tout ce qui a précédé ces conférences. Ce soir, c’est la soirée des premières. Vous allez entendre des femmes qui ont toutes été des pionnières dans leur domaine, dans leur carrière et dans leur carrière politique au sein du mouvement syndical. Il est important aussi que nous inaugurions cette septième Conférence nationale biennale sur la condition féminine par des célébrations, parce que face à ce qui est probablement le plus fort mouvement de ressac subi par les femmes de ce pays, nous avons encore des raisons de célébrer. Les histoires de nos consoeurs, de nos pionnières, font partie de ces raisons. C’est notre histoire. Cette conférence a pour thème "Plein pouvoir aux femmes: horizon 2000". Nous essayons encore de prendre la manière douce. Quand on obtient le pouvoir, tout est possible! D’ailleurs, pourquoi s’être fixé une si longue échéance pour prendre le pouvoir? Certaines d’entre vous reconnaîtrez toutes les personnes qui siègent à la table d’honneur. Si vous assistez pour la première fois à la Conférence sur la condition féminine, beaucoup de visages vous sont sans doute inconnus, mais, à la fin de la soirée, vous saurez que ces femmes nous ont toutes montré la voie, à vous, à moi, à nos enfants et à nos petitsenfants. Je reviendrai à divers moments de la soirée pour vous présenter certaines de ces personnes. Je demanderais d’abord aux membres du Comité de la condition féminine du CTC de se lever. Je ne vous 9 MOT D'ACCUEIL DE LA FTP __________________________ Julie Davis Secrétaire-trésorière Fédération du travail de l’Ontario Au nom des dirigeantes et dirigeants et du personnel de la Fédération du travail de l’Ontario, j’ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue en Ontario néo-démocrate. Vous n’êtes probablement pas sans savoir que le 6 septembre dernier l’Ontario a élu le premier gouvernement néo-démocrate de son histoire. Nous espérons, bien sûr, que les autres provinces emboîteront le pas: un excellent exercice en prévision des élections fédérales de 1992-1993 où nous nous promettons d’élire le premier gouvernement néo-démocrate fédéral de l’histoire du Canada et la première femme au poste de premier ministre: nulle autre qu’Audrey McLaughlin. Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’avant le 6 septembre, lorsque je faisais une remarque comme celle-là, tout le monde applaudissait et poussait des hourras même si, au fond, la plupart croyait que c’était un rêve irréalisable, sauf peut-être moi. Mais ceux et celles qui me connaissent savent que je crois encore au Père Noël et que, quand on arrive à la partie du conte de Peter Pan où on applaudit pour que Tinker Bell ne meure pas, j’ai toujours applaudi et j’applaudis encore. Néanmoins, le fait que nous ayons élu plus de femmes au parlement que jamais auparavant, dont 19 du caucus NPD, est aussi important que notre victoire électorale. Il ne faudrait pas oublier, non plus, que plus de la moitié des 74 députés élus ont des antécédents syndicaux ou des liens étroits avec le mouvement syndical, ce qui rend notre gouvernement plus représentatif de la classe ouvrière que nul autre gouvernement ontarien, et peut-être même canadien. En outre, fidèle aux principes du NPD en matière de parité des sexes, le cabinet des 25 ministres compte 11 femmes, dont six provenant du mouvement syndical. Ceci dit, j’aimerais proposer un moment de réflexion qui nous aidera à comprendre comment nous en sommes arrivées à ce point important de notre histoire. Il y a une semaine ou deux, je parcourais de vieux dossiers et je suis tombée sur un rapport de la conférence de la femme de la FTO de 1966. Le rapport faisait état des obstacles auxquels se heurtaient les femmes dans leur poursuite de l’accès à l’égalité et proposait diverses solutions pour enrayer ces obstacles. Parmi les solutions préconisées, s’inscrivaient la participation des femmes sur la scène politique et l’élection de femmes aux postes de direction des sections locales et du mouvement syndical. La présidente de l’assemblée était la consoeur Grace Hartman qui plus tard est devenue la présidente du SCFP. Shirley Carr qui, nous le savons toutes, est aujourd’hui présidente du CTC, était l’une des responsables des comptes rendus d’ateliers. Au cours des deux dernières décennies, ces femmes ont eu un impact énorme sur l’orientation du mouvement syndical. À l’instar de ces femmes, les participantes aux conférences comme celle d’aujourd’hui seront les dirigeantes de demain. Nombre d’entre vous êtes déjà dirigeante et chef de file, et vous poursuivrez dans cette voie pour perpétuer l’édification du mouvement syndical. La présente conférence nous aidera à nous situer et à élaborer des stratégies en prévision de l’avenir. Nous pourrons ainsi utiliser notre plus grande force, nos membres, le plus efficacement possible et éviter d’être menées par les urgences quotidiennes. L’action politique sera inscrit à notre programme. Nous sommes au seuil d’une nouvelle réalité politique en Ontario. Une nouvelle session parlementaire débutera le 20 novembre, et il n’y a pas de doute que les onze femmes du cabinet verront à ce que les préoccupations féminines occupent une place importante au programme du gouvernement. 11 D’ailleurs, les responsabilités familiales n’aveuglent pas la raison ni ne réduisent l’aptitude à signer une adhésion syndicale, à rédiger des résolutions, à signer les documents du cabina a à diriger le pays. Pour conclure, je tiens à féliciter Penni Richmond et les membres du Comité de la condition féminine du CTC de la difficile tâche de planification qu’elles ont accomplie. Les conférences comme celle-ci sont d’une importance capitale, car elles assurent la croissance du mouvement syndical et l’accroissement du pouvoir des femmes. Je sais d’expérience qu’un syndicat qui forme des femmes fortes se fortifie, ce qui revient à dire que les femmes fortes édifient des syndicats puissants. Nombre de ces femmes sont des syndicalistes qui sont devenues actives en politique en participant aux conférences, comme vous le faites aujourd’hui. Frances Lankin, que j’appelle affectueusement "consoeur ministre", est la ministre responsable du Conseil de gestion et des Services gouvernementaux. Négociatrice provinciale pour le SEFPO, elle fut aussi coordonnatrice du programme d’accès à l’égalité de ce même syndicat et membre du Comité de la femme de la FTO. Anne Swarbrick, ministre responsable de la condition féminine, fut attachée de direction du Conseil du travail du Toronto métropolitain et de York et membre du Comité de la femme de la FTO. Evelyn Gigantes, ministre de la Santé, fut permanente nationale du SNFPP affectée à la condition féminine, ainsi que membre du Comité de la condition féminine du CTC. Shirley Coppen, qui cumule les responsabilités de ministre sans portefeuille et de whip en chef (fonction de déléguée d’atelier de l’assemblée législative, selon elle), était infirmière auxiliaire autorisée. Elle fut membre de FUIES et présidente du Conseil du travail de Welland et du district. Shelley Wark-Martyn, ministre du Revenu, était travailleuse sociale et membre du SCFP. Avant de devenir députée de Port Arthur, elle fut membre active du comité de la femme du NPD de l’Ontario. Zanana Akande, ministre des Services sociaux et communautaires, fut tour à tour directrice d’école, membre active de la Fédération des enseignantes de l’Ontario et la première femme noire de l’histoire de l’Ontario à siéger à l’assemblée législative et au cabinet. Il importe de comprendre que la participation des femmes sur la scène politique n’est pas simplement une question de bien paraître. C’est plutôt une responsabilité essentielle dont les femmes s’acquittent parce qu’elles veulent construire un monde meilleur, ce à quoi nous et notre mouvement sommes engagés. Nous voulons un monde qui, en priorité, cherchera à enrayer la famine et à donner un toit aux sans-abri, un monde où les femmes et les hommes vivront sur un même pied d’égalité, sans égard à leur race, à leurs croyances et à leur préférence sexuelle, un monde où les femmes seront maître de leur corps, en tout a partout. Il existe chez les femmes un pouvoir inépuisable qui ne peut ni ne doit être endigué. Nous avons, en fait, le pouvoir de travailler avec nos consoeurs au sein de nos localités a de nos syndicats pour changer le Monde. 12 DISCOURS D'OUVERTURE Shirley G. E. Carr Présidente Congrès du Travail du Canada marche en avant, nous devons cerner les obstacles et travailler ensemble à les éliminer. Puisque le pouvoir dont nous avons besoin pour y arriver ne nous sera vraisemblablement pas rendu, nous devons l’acquérir. En fait, le but de la présente conférence est d’étudier ensemble les moyens d’y arriver. Il n’y a pas de doute que les femmes ont remporté de nombreuses victoires au cours des deux dernières décennies. • Le congé de maternité est maintenant enchâssé dans la loi et dans les conventions collectives. En outre, les hommes ont maintenant droit au congé parental, ce qui constitue un pas important, et le droit des femmes au congé de maternité est clairement défini par la loi. • La semaine dernière, la Cour suprême de l’Ontario a statué sur l’admissibilité aux prestations d’accident du travail à la suite d’une maladie résultant du harcèlement sexuel. C’est une importante victoire pour chacune d’entre nous. Si nous l’avons remportée, c’est grâce aux efforts et à la détermination des femmes du Canada de lutter contre l’humiliation du harcèlement sexuel. • L’égalité est reconnue dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la législation: un autre droit que nous avons défendu. • Les conseils consultatifs sur la condition féminine ont fait avancer la cause auprès des gouvernements provinciaux et fédéral. L’équité en matière d’emploi et de salaire, loin d’être réalisée, est néanmoins bien en train. Malheureusement, chères consoeurs, les progrès sont lents dans bien des domaines. Il y a vingt ans, lorsque la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a publié son rapport, les femmes gagnaient 60 cents pour chaque dollar que gagnaient les hommes. Aujourd’hui, elles ne gagnent que 66 cents. C’est pour moi un véritable plaisir d’être avec vous aujourd’hui à l’occasion de l’ouverture de la Septième conférence nationale sur la condition féminine du Congrès du Travail du Canada. Un nombre record de participantes s’y sont inscrites, et la conférence s’annonce des plus fructueuses. Je suis d’avis qu’elle sera un important pas en avant dans notre marche vers l’égalité. Je sens l’énergie qui se dégage de l’assistance. Je crois que l’histoire de notre lutte pour l’égalité est encore assez récente pour que je me permette de vous accueillir en tant que pionnières de la cause. J’aime croire qu’ensemble nous nous tirerons de la barbarie des Conservateurs et que nous contribuerons à l’évolution de la société. C’est dans cet esprit que j’accueille deux amies dont l’engagement leur a mérité ce titre de pionnière: la consoeur Grace Hartman, et la consoeur Huguette Plamondon, la première femme à devenir membre du Conseil exécutif du CTC. Accueillons ces deux syndicalistes qui ont préparé le terrain pour nous. Il est de mon devoir de donner le ton à notre conférence: c’est l’idée derrière une allocution d’ouverture, n’est-ce pas? Ce n’est toutefois pas tâche facile. Le thème, soit le pouvoir et l’acquisition de pouvoir dans les années 90, nous donne de grandes espérances, mais nous devrons faire preuve d’inventivité, d’engagement et de solidarité pour réaliser nos objectifs. Je suis optimiste de nature; j’ai dû l’être. Néanmoins, je ne sais que trop bien à quel point on doit travailler pour justifier son optimisme, surtout dans ces temps sombres et difficiles. Permettez-moi, cependant, de souligner l’espoir et la foi que je mets en notre cause et, à la fois, d’exprimer la colère et la frustration que je ressens fasse à la lenteur des progrès. Permettez-moi aussi de vous faire part de la profonde tristesse que j’éprouve à la pensée des victimes de préjudice et de haine. Pour nous orienter, nous devons savoir où nous sommes et d’où nous venons. Pour poursuivre notre 13 organismes communautaires joignent leurs efforts pour lutter contre l’oppression, l’exploitation et le gaspillage. Grâce à cet effort concerté, nous reprenons le terrain perdu: le financement des maisons d’hébergement pour les femmes a été partiellement rétabli à la suite d’une campagne d’occupation d’endroits stratégiques et de publicité. Les femmes signent leur adhésion aux syndicats à un rythme beaucoup plus rapide que les hommes. Leur présence se fait sentir au sein du mouvement syndical, tant dans le domaine de la négociation collective et de la politique que dans les activités quotidiennes. Monsieur Mulroney, prenez garde! Les syndicalistes canadiennes, comme l’ensemble de la population canadienne, sont dans tous les états et ne se laisseront pas abattre. Vous devrez vous attendre à une objection de leur part. Quelle voie devrions nous engager? Mary Collins, ministre responsable de Condition féminine Canada aborde la question à sa façon, comme en témoigne le discours qu’elle a prononcé récemment à l’occasion du colloque tenu à Vancouver pour marquer le vingtième anniversaire de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada. Cette législatrice nous dit que nous devrions modifier nos attitudes plutôt que les lois. À son avis, mieux vaudrait cesser de militer, car ça rebute les gens et ça met les hommes en colère. Pas surprenant qu’une observatrice au colloque ait fait remarqué, "Elle nous dit d’être sage." Ma façon, ou notre façon, de voir les choses diffère quelque peu de celle de la ministre Collins. Si en fait l’attitude des gens change, c’est parce que les femmes refusent d’être "sages". Nous savons d’expérience que notre esprit militant a toujours été, et continuera d’être, à la source des changements souhaités. C’est ainsi que nous obtenons des lois qui répondent à nos besoins et que nous obtenons gain de cause devant les tribunaux. Prenons l’exemple du financement des maisons d’hébergement. Ce n’est qu’à la suite d’occupations indignes de femmes bien élevées que le financement a été rétabli. Les cliniques d’avortement sont un autre exemple. Si elles sont demeurées ouvertes, c’est grâce aux femmes résolues qui ont accompagné leurs consoeurs jusqu’à la porte pour les appuyer devant les cohues de personnes qui luttent contre la liberté de choix. L’été passé, des femmes de tous les coins du Canada ont manifesté leur appui des autochtones dont, soit dit en passant, l’esprit militant permettra probablement d’accélérer le règlement des revendications territoriales. Les femmes du Québec, quant à elles, ont joué un rôle de premier plan dans L’avortement, qui était un acte criminel à cette époque, est sur le point de le redevenir. N’est-ce pas absolument incroyable? Le gouvernement au pouvoir a réduit le financement accordé aux maisons d’hébergement pour les femmes battues et a mis fin à l’aide financière destinée aux publications des femmes. Il avait promis de mettre en oeuvre une politique nationale sur la garde des enfants et il a manqué à sa promesse. Qui plus est, en signant l’Accord de libre-échange, il a contribué à la croissance du ghetto des emplois à salaire minimum qu’est celui du secteur des services. Il a refusé d’adopter des dispositions obligatoires en ce qui a trait à l’équité en matière d’emploi. Les politiques économiques rétrogressives qui ont entraîné le Canada dans une récession ont accéléré la pauvreté au sein de la population féminine. En fait, le nombre de travailleuses pauvres a augmenté de 160,4 % entre 1971 et 1986, alors que le nombre de travailleurs pauvres n’a augmenté que de 28,3 % au cours de cette même période. Cette érosion du filet de sécurité sociale, résultat de gestes délibérés des Tories, a durement frappé les femmes, et ce sont les femmes des minorités visibles, les femmes autochtones, handicapées et pauvres qui ont été les plus atteintes. La violence faite aux femmes se poursuit impunément: la violence verbale se manifeste par l’épidémie de sexisme sur les campus des universités; la violence physique prend diverses formes, dont la tuerie de Montréal et les nombreux décès à la suite de violence conjugale ou de voies de fait dans les rues. L’inquiétude dont témoigne le gouvernement a des saveurs de platitude; elle manque de cran et de substance. Le gouvernement a fait fi des requêtes de femmes et d’hommes du Canada d’instituer un jour de commémoration, le 6 décembre, à la mémoire des victimes de violence. Un tel refus est aussi incompréhensible. Heureusement, le malheur est bon à quelque chose. Le Nouveau parti démocratique gagne la faveur du public et est maintenant dirigé par une femme. L’Ontario a élu un gouvernement NPD qui s’engage ouvertement et fièrement à lutter pour l’égalité et à s’intéresser aux préoccupations féminines telles que l'équité salariale. Un mécontentement profond et sans précédent règne partout au Canada face aux méthodes et aux valeurs du passé. Des coalitions se forment. Les syndicalistes, les autochtones, les femmes, les écologistes, les minorités visibles, les personnes handicapées et les 14 pas démunies d’intelligence et d’aptitudes. Le mouvement syndical est la force motrice de nos progrès. Au fur et à mesure que nous agrandissons la sphère de nos connaissances, nous prévoyons des clauses dans nos conventions collectives, nous organisons des grèves fructueuses, nous revendiquons nos droits et les obtenons. Notre mouvement est un mouvement social, et nous pouvons opérer des changements dans la sphère sociale, surtout lorsque nous rallions nos efforts et ceux d’autres groupes progressistes, notamment les organisations de femmes, les écologistes, les groupes communautaires et d’autres groupes. La solidarité accroît notre pouvoir tant dans le monde du travail qu’à domicile. Il faut néanmoins y travailler, et plus que jamais auparavant, en raison des obstacles que nous devons surmonter. C’est là que le processus de l’acquisition de pouvoir entre en jeu. Au sein de nos syndicats, notre pouvoir s’accroît au fur et à mesure que nous nous engageons sur la scène locale, que nous nous affirmons et que nous revendiquons notre place. Nous y parvenons en formant des réseaux et en modifiant les structures de sorte à travailler ensemble de façon efficace. Sur les lieux du travail, c’est en nous organisant, en nous appuyant mutuellement, en demeurant conscientes de ce qui se passe, en échangeant des renseignements et en établissant des liens que nous y arrivons. A la maison, c’est en refusant la violence conjugale que nous accroissons notre pouvoir. C’est aussi en établissant des maisons d’hébergement, en nous entraidant et en nous appuyant mutuellement. Notre participation accrue aux activités syndicales et locales ainsi que notre engagement à promouvoir le changement social font partie de notre lutte pour l’égalité et exigent que les tâches domestiques soient partagées également. En fait, nos syndicats ont un rôle important à jouer pour faire comprendre à nos confrères qu’ils doivent assumer leurs responsabilités à cet égard. Sur le plan local, les activités telles que les manifestations menées sous le thème de "La rue,la nuit, femmes sans peur", la formation de coalitions et diverses autres activités nous aident à accroître notre pouvoir. Sur la scène politique, nous veillons à accroître nos victoires électorales, telle celle de l’Ontario, afin d’élargir nos chances de succès. Bref, l’acquisition de pouvoir dépend de noire disposition et de notre aptitude à travailler ensemble à la réalisation de notre objectif commun: l’égalité. En tant que syndicalistes, nous pouvons mettre à profit notre expérience dans le domaine de l’action les revendications visant à faire reconnaître la spécificité de leur société. Enfin, les femmes de toutes les régions du Canada ont organisé des piquets de grève et y ont participé avec leurs confrères. Elles ont couru les mêmes risques qu’eux et ont remporté les mêmes victoires. Même en faisant un gros effort d’imagination, on ne peut pas dire que ces femmes sont sages dans le sens traditionnel de "jeunes filles sages". Elles n’ont pas eu peur de rebuter les gens ou de les gêner, car elles savaient, comme nous le savons toutes et tous, que le changement dans le sens véritable du mot provoque toujours une réaction. Nous nous y attendons et nous nous préparons en conséquence. En travaillant ensemble, nous venons à bout des difficultés de parcours. Ne redoutez pas d’être qualifiée de militante, pas plus que vous craignez d’être étiquetée comme féministe. Une militante, c’est une personne engagée qui promouvoit le changement et qui refuse d’accepter le sort que lui réservent les autres. Une militante agit au lieu de simplement rêver, bien qu’elle réserve une certaine place au rêve. Avoir un esprit militant, c’est s’allier aux autres pour résister aux forces qui posent des entraves à la réalisation de nos projets, qui nous imposent des rôles, qui nous stéréotypent et qui nous exploitent. Pourquoi alors devrions nous avoir peur d’être militantes? Notre vie et notre liberté en dépendent. Pour réaliser les changements souhaités, nous devons comprendre le pouvoir et le principe de l’acquisition de pouvoir. Ceux qui cherchent à nous nuire ont, en fait, énormément de pouvoir et ils s’en servent pour nous retenir. Le gouvernement fédéral, par exemple, fait obstacle à la diffusion de l’information. Il s’ensuit que de nombreuses publications de femmes et d’autochtones ont cessé de paraître, les stations radiophoniques autochtones ont fermé, le budget de Radio-Canada a été dramatiquement réduit et, sans doute pour célébrer l’année de l'alphabétisation, les livres et les revues n’ont pas été épargnés de la TPS, ce qui pourrait bien entraîner la mort de l’industrie du livre au Canada. Nous ne sommes pas sans savoir que la lecture, pour un esclave, était passible de punition. C’est à se demander si les Conservateurs ne sont pas en train de chercher à nous imposer l’ignorance et à créer une main-d’œuvre docile et non syndiquée. Ou ne serait-ce qu’une pure coïncidence? Que ce soit par hasard ou à dessein, les entraves à notre marche en avant semblent de plus en plus nombreuses. Heureusement, nous ne sommes pas sans ressources et sans énergie, et nous ne sommes 15 collective. Les femmes actives au sein du mouvement féminin ont une expérience semblable à la nôtre. En plus d’être important, notre rôle dans la réalisation du changement peut aussi être prépondérant. Nous pouvons y arriver. En fait, nous y sommes déjà. Cette conférence, votre nombre et votre enthousiasme attestent du fait que nous avons pris un réel essor et que rien ne nous fera rebrousser chemin. Je suis fière d’être ici parmi vous et je vous souhaite une conférence fructueuse et heureuse. L’union fait la force. Ensemble nous vaincrons. 16 9 TABLE RONDE - REGARD SUR NOS REALISATIONS Huguette Plamondon Ancien membre du Conseil exécutif, CTC Syndicat international des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Je vais essayer de parler dans les deux langues. C’est parfois difficile. Une chose que j’aimerais vous annoncer ce soir, parce que pour moi le droit d’une femme d’avoir un avortement est très important, et aujourd’hui la première clinique à Terre-Neuve a été ouverte par le docteur J. Morgentaler. L’année dernière, il y a eu 1 200 femmes qui ont dû s’expatrier, sortir de Terre-Neuve pour avoir un avortement normal. Maintenant ces femmes-là, et je ne dis pas qu’elles doivent avoir un avortement, mais si elles le désirent, n’auront pas besoin de dépenser plus d’argent que les autres. Elles auront une clinique qui opère normalement et légalement, avec des médecins spécialisés dans la matière et du personnel compétent. Alors je pense que c’est quelque chose qui mérite d’être signalé parce que Terre-Neuve, s’il y a un endroit qui en a besoin, c’est là! Et c’est à St.-John’s de Terre-Neuve que ça roule. La raison pour laquelle j’ai accepté, c’est que je savais que je ne parlerais pas seulement à des leaders ce soir. Je parle à des travailleurs et des travailleuses, des gens de la base, comme on dit, mais qui sont extrêmement importants dans le développement de la société et qui sont également des membres de syndicats ouvriers. Parce que là où il n’y a pas de syndicats ouvriers, il n’y a pas de démocratie. Lorsqu’il n’y a pas de syndicat, et lorsqu’on ne permet pas aux syndicats de fonctionner, il n’y a pas de démocratie. Aucun pays n’applique les principes de la démocratie à moins qu’il ne laisse les syndicats ouvriers fonctionner normalement. Je veux également démontrer aux travailleuses qui sont ici, et aux travailleurs, parce que j’en ai vu quelques-uns, vous êtes bienvenus. J’aurais aimé cela même qu’il y en ait plus. Parce que parfois il faut vous engueuler, et quand vous n’êtes pas là on ne peut pas vous engueuler. Maintenant il y a du chômage, et ils vont commencer à trouver des raisons pour le chômage. C’est parce qu’il y a des femmes qui travaillent. Donc, on va leur dire que ce n’est pas vrai. Mais, une des raisons, c’est parce que je pense et je voudrais vous démontrer qu’Huguette Plamondon et toutes les autres, on n’est pas différentes de vous autres. Si vous le voulez, si vous y mettez le temps et l’énergie, et si vous y croyez, vous pouvez faire ce qu’on a fait et vous serez des gens qui ouvriront la porte pour ceux de l’an 2020. Moi, c’est ma dernière année en 1991 et j’irai faire du piquetage avec vous autres si vous m’invitez, mais je vais avoir fini d’ouvrir les portes. J’en ai ouvert quelques-unes et je dois vous dire que j’étais orgueilleuse quand je le faisais. Alors j’ai commencé le 12 mai 1945. J’ai commencé à travailler pour l’union des travailleurs "Packing House Workers", travailleurs unis des abattoirs: une petite union, mais une maudite bonne union! Je vous le dis, militante, agressive, dynamique et on ne payait pas ce qu’on dit du "lip service" pour défendre le droit des travailleurs et des travailleuses. On y croyait et on y allait. Je dois vous dire une chose, que lorsque j’ai commencé à travailler à Montréal, c’était une bonne union mais on n’avait pas de membres. On commençait. On débutait. On démarrait. J’ai grandi avec le syndicat. Nous n’avions pas de membres. Nous avions environ 236 membres qui nous avaient été donnés par les Métallurgistes à l’époque. Ils étaient généreux. Comme j’avais beaucoup de temps devant moi, j’avais pris l’habitude d’aller aux usines pour aider d’autres syndicats à distribuer des dépliants, discuter avec les gars de la possibilité d’adhérer à un syndicat, de faire du piquetage. En 1953, j’ai été nommée représentante internationale des travailleurs unis des abattoirs. J’étais alors la première femme à faire partie de ce 17 syndicat au Canada. J’étais très contente parce que ce syndicat, comme je l’ai déjà dit, n’était pas très grand, mais c’était un sacré bon syndicat. En 1955, j’ai vaincu un avocat aux élections pour le poste de président du Conseil du travail de Montréal. Laissez-moi vous dire que ça fait plaisir. C’est le genre de chose qui vous fait rigoler un peu, qui met du piquant ou du pétillement dans votre vie. Ensuite, une fois de plus, les deux regroupements syndicaux, le CMTC et le CCT, ont décidé de fusionner. Parce que le CMTC était plus grand, il avait droit à deux membres au Québec et le CCT à un. J’ai décidé de tenter ma chance et, croyez-le ou non, cela allait à l’encontre de la façon de penser de la direction des syndicats. Vous savez quoi? J’ai battu les autres candidats. Ça c’est quelque chose. J’ai été élue par les travailleurs. Malheureusement, vous, les femmes, n’avez pas eu l’occasion de voter pour moi, mais vous pouvez au moins voir ce que nous avons accompli. Vous êtes ici ce soir parce qu’il y a eu des femmes comme moi et Shirley et bien d’autres encore, et Grace. Je ne les nommerai pas toutes parce que je pourrais en oublier et je ne veux pas insulter personne. Vous ne pouvez pas savoir combien c’est bon d’être ici ce soir à cette réunion qui me prouve que nous avons réellement fait quelque chose. Nous ne nous sommes pas contentées de nous asseoir sur notre arrière-train. Nous avons dû faire quelque chose de bien pour que vous soyez ici ce soir. Lorsque j’ai été choisie par les participants au caucus de Québec, certains sont allés à Toronto voir mon patron, Fred W. Dowling, qui je dois l’admettre m’appuyait à cent pour cent. (On dit toujours que derrière chaque grand homme il y a une femme; il y avait derrière moi des hommes bien. Croyez-moi, je ne pouvais y arriver seule.) Ils sont allés le voir et lui ont dit: "Fred, tu dois lui dire de démissionner parce que si elle reste, tu ne pourras être membre de l’Exécutif. Tu ne pourras être viceprésident pour l’Ontario." Il a répondu: "Pour une fois, j’ai fait quelque chose de bien et je n’ai pas l’intention de faire marche arrière." Il n’a donc pas été élu vice-président du CTC en 1956, bien que cette place lui revenait. Voyez-vous, j’étais une travailleuse des abattoirs, et il ne pouvait y avoir deux représentants de ces travailleurs. Son geste a montré que même s’il était petit de stature, il était grand d’âme. Croyez-moi. Ensuite, j’étais seule avec environ 26 hommes, et certains d’entre eux disaient: "Vous êtes encore à la couche. Vous portez encore des couches." Ce genre de commentaires plutôt méchants vous savez. Et j’ai dû le prendre, mais pas longtemps. La première fois, vous pensez que c’est une plaisanterie, mais la deuxième fois... Si vous agacez un chien, la première fois il ne mordra peut-être pas; il se contentera d’aboyer, mais la deuxième fois, il mordra. Plus tard, Grace Hartman est devenue membre de l’Exécutif. Quel soulagement. Après cela, nous avons commencé à tenir des caucus pour les femmes parce que nous n’avions pas de Bureau de la femme. Ensuite, croyez-le ou non, j’ai présidé la première conférence des femmes et, comme l’a dit Grace, il y avait assez de place sur l’estrade pour toutes les femmes présentes. Regardez la différence. Voilà la raison de nos efforts! Nous avons tenu une assemblée en 1968 et adopté une résolution selon laquelle nous voulions que l’avortement soit décriminalisé et qu’une femme ait le droit d’avoir un avortement lorsqu’elle le voulait. Cette résolution a été adoptée — pas une voix contre. Ne l’oubliez pas. A l’unanimité à l’assemblée. Habituellement, une fois qu’une résolution est adoptée, il faut en assurer le suivi. Il ne s’agit pas simplement de la consigner puis de dire qu’on l’a écrite dans le livre et que c’est suffisant. Il faut au moins tenter de faire quelque chose. J’ai dit: "Quand allons-nous faire quelque chose à ce sujet?" Enfin, nous avons décidé d’établir un comité et de rédiger un document. Lorsque le moment est venu, cependant, personne ne voulait présenter le mémoire. J’ai dit: "Écoutez, je suis catholique et je vais présenter ce mémoire. J’appuie ce qu’il contient et je devrais pouvoir le faire." Les dirigeants ont répondu: "Mais vous savez, vous êtes une femme. " Cela se passait en 1968, et je n’exagère pas. Si je ne vous raconte pas ces choses, vous ne penserez pas que vous devez vous battre. Vous allez vous dire qu’une fois l’objectif atteint, les choses sont faciles. Ce n’est pas facile lorsqu’il y a des gens qui ne sont pas d’accord. Habituellement, lorsqu’une résolution est adoptée lors d’une assemblée, elle fait loi. Mais celle-là était loin de faire loi. De toute façon, nous avons fini par présenter le mémoire, et laissez-moi vous dire que le Québec a été la seule province à ne pas parler de ce mémoire. Nous avons eu une bonne couverturemédias partout sauf au Québec parce que les habitants de cette province étaient encore très catholiques. Ils ne le sont peut-être plus autant maintenant, mais cela se passait il y a 22 ans. Ils étaient alors très catholiques. J’ai toujours des copies de ces articles. Je ne sais pas si c’est le cas du CTC. Je devrais en faire don. Je relisais ces lettres hier soir; dans certaines d’entre elles on invectivait contre le CTG pour avoir présenté le mémoire. Dans d’autres on disait que Huguette Plamondon n’avait aucun droit d’utiliser la plate­ forme du CTC. Je n’ai pas utilisé la plate-forme du CTC. C’est vrai que j’étais en faveur, mais c’est le CTC qui avait adopté cette résolution à l’assemblée... Enfin, nous avions également l’autre mémoire à présenter à la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme. Quiconque connaît Donald MacDonald sait qu’il était un président très guindé, qu’il ressemblait à un banquier — très sévère, et, pour ceux qui ne l’ont pas connu, c’est dommage. Il est vrai que le mouvement ouvrier est le groupe qui accomplit le plus dans la société. Quant à nous, c’est bien de prêcher, mais parfois il faut prêcher par l’exemple. Nous n’avions pas accompli grand-chose pour les femmes en 1968. C’était lamentable, très peu de syndicats avaient des représentantes, ou même une femme comme secrétaire administrative. On préférait donner ce poste à un homme. Les femmes n’avaient pas d’avancement. C’est agréable d’être ici et de constater ce changement. M. MacDonald a lu le mémoire, et la présidente de l’audience, Florence Bird, a dit: "Désirez-vous ajouter quelque chose?" J’avais bien quelque chose à ajouter. Je pensais que le confrère MacDonald allait faire une crise cardiaque, croyez-moi. Et j’ai dit: "Vous savez, j’ai quelque chose à vous dire aussi — le mouvement ouvrier a fait du travail, mais il n’a pas fait le travail qu’il aurait dû faire. Nous sommes loin de donner l’exemple." Il avait le coeur solide. Cette fois-là, nous étions plus de gens et c’était très bien, très agréable. J’ai également représenté les femmes et j’ai toujours essayé de faire du bon travail. Je ne voudrais jamais empêcher une autre femme d’obtenir quelque chose parce que j’aurais fait un mauvais travail. J’ai eu le plaisir et l’honneur de vous représenter auprès de l’OIT, et même le CTC ne voulait pas m’envoyer parce que, vous savez, je suscite la controverse. Je ne me conduis pas toujours de la façon appropriée. Je ne me suis pas conduite de la façon appropriée le premier jour en 1964, mais pendant le reste de la conférence, j’ai été sage. Je me suis mal conduite parce que le représentant des employeurs, un prêtre, a dit que le rôle des femmes était de faire des enfants. Je me suis fâchée. Je ne connaissais pas les règles de procédure; je me suis donc levée et j’ai dit: "Je n’ai pas fait 3 000 milles pour me faire dire que je dois faire des enfants. J’ai décidé ce que je voulais faire et je ne vais pas rester ici." Ce soir-là, Kalmen Kaplansky m’en voulait. Joe Morris était de bonne humeur et une délégation d’employeurs est venue me voir et me présenter des excuses pour ce qui avait été dit pendant l’après-midi, et me dire que ce n’est pas ce qu’ils avaient voulu dire. Après cela, j’ai respecté les règles de la conférence, mais, vous savez, lorsqu’on vous dit cela... J’y suis retournée en 1965, et en 1970 je vous ai représentées à nouveau au sujet des problèmes des femmes par rapport à la technologie, et au sujet des femmes mariées qui travaillent. Je n’étais pas mariée, mais je connaissais les problèmes. Je vous ai représentées au British Trades Union Congress et auprès de la CISL. J’ai essayé chaque fois de faire de mon mieux pour que d’autres femmes puissent faire la même chose, et vous pouvez voir que j’ai bien fait mon travail hé! Shirley y est retournée. Voyez cela. Elle a un poste de vice-présidente et elle vous a représentées auprès du l’OIT pendant cinq ans, et je suis certaine qu’elle a fait du vrai bon travail. Vous savez maintenant que tout est possible. J’ai réussi et vous le pouvez aussi. Je ne viens pas d’une autre planète ou quelque chose du genre. J’ai tout simplement fait des études. Je ne parlais pas très bien l’anglais; je l’ai appris. J’ai dû y consacrer pas mal de temps et j’espère que tous les gens du Québec apprendront l’anglais afin de pouvoir voyager et de ne pas avoir l’impression d’être dans un ghetto lorsqu’ils le font. Ce n’est pas là l’opinion des Québécois, de bon nombre de Québécois, mais j’ai mon point de vue et je considère avoir le droit de l’exprimer. Je veux vous remercier. Je pense avoir pris plus de dix minutes. Écoutez, lorsque vous avez un problème, je suis là. Je n’ai pas changé. Ce n’est pas parce que j’ai 64 ans que j’ai arrêté d’aboyer, croyez-moi. Je suis encore capable d’aboyer et de mordre. Merci. 19 TABLE RONDE - REGARD SUR NOS REALISA TIONS Grace Hartman Ancienne présidente Syndicat canadien de la Fonction publique Merci beaucoup. Je suis très heureuse d’être ici. C’est fantastique. Je sais qu’on doit limiter la durée des allocutions, mais quand mon auditoire est bien obligé de m’écouter, j’ai tendance à parler plus longtemps que prévu. Nancy voudra bien me le rappeler. Je suis très contente qu’Huguette ait parlé du mémoire sur l’avortement qu’elle a présenté au comité mixte de la santé. Le lendemain, les journaux anglais utilisaient l’expression "volatile and feisty woman", pour parler d’une femme vive et décidée et des échanges qu’elle avait eus avec certains députés. "Qu’est-ce que ça veut dire?" m’a demandé Huguette. Je lui ai répondu, "Crois-moi, c’est un compliment". Un grand nombre d’entre vous m’ont fait remarquer la photo de Shirley Carr et de moi-même costumées pour la soirée du Klondike à Edmonton. Cette photo a été prise au congrès du Syndicat canadien de la Fonction publique (SCFP) en 1971. Je crois que c’est à ce congrès-là que nous avons adopté un énoncé de politique sur la condition féminine au sein du SCFP. Je crois que c’était la première fois qu’un syndicat affilié au Congrès du Travail du Canada adoptait un tel énoncé. Ça n’a pas été facile. Néanmoins, en menaçant le président, c’est-à-dire en lui disant de ne pas nous imposer de limite de temps, nous avons pu toutes les deux faire une présentation assez longue, et l’énoncé de politique a été adopté. Ces dernières années, à cause de ce qu’on dit et écrit à mon sujet, je me suis mise à penser que la seule chose dont les gens se souviendront, c’est que je suis l’une des dirigeantes syndicales qui ont fait de la prison. Oui, j’ai fait de la prison, et laissez-moi vous le dire, c’est toute une expérience. Nous étions furieuses. Nous étions aussi frustrées par les événements, et très appréhensives de ce qui pourrait nous arriver une fois en-dedans. Quoi qu’il en soit, Lucie Nicholson était avec moi les dix premiers jours. Nous commencions à être plus ou moins au courant de ce que nous devions faire et ne pas faire, et nous pouvions nous appuyer mutuellement. Le premier dimanche, nous étions là ensemble. Lucie faisait un mot croisé et je faisais une tapisserie à l’aiguille. Oui, c’était bien un dimanche matin. Nous avions passé la vadrouille; nous commencions à nous habituer à l’essoreuse à rouleaux. De toute façon, le nettoyage était fait. Lucie m’a alors demandé si j’aimerais regarder "Coronation Street" à la télévision. Bon nombre d’entre vous devez connaître cette émission. Enfin, nous nous sommes demandées comment nous pourrions faire allumer la télévision. Nous avons posé des questions et on nous a répondu qu’il fallait s’adresser à la jeune femme, là. Elles n’ont pas dit "femme" mais “fille". Elle avait 16 ans et elle était en prison pour un vol avec effraction. Nous lui avons poliment demandé si elle pouvait allumer la télévision, et elle nous a répondu que non. Nous avons appris par la suite qu’elle était l’équivalente d’une déléguée d’atelier. Nous avons vite compris qu’il y avait toute une hiérarchie et un système d’ancienneté là aussi, permettez-moi de vous le dire. Nous sommes retournées au mot croisé et à la tapisserie à l’aiguille. J’avoue que ce fut une expérience intéressante. J’ai appris à laver les planchers avec une essoreuse à rouleaux et un gros balai laveur, et j’ai aussi appris à me servir de l’essoreuse pour les draps et les taies d’oreillers. Un jour, on nous a apporté les sous-vêtements des hommes de la prison d’à côté pour les faire plier, et nous avons refusé. Nous ne savions pas ce qui nous arriverait, mais nous nous sommes dites qu’il n’en était pas question, que nous n’allions pas plier les sous-vêtements des hommes. Ils veulent qu’ils soient pliés, qu’ils les plient. Le responsable de la buanderie, un homme bienveillant, est venu me voir pour me dire qu’il nous donnerait autre chose à plier, mais que nous ne devions pas faire d’histoires. D’accord, ai-je dit. Je crois qu’il nous a apporté des taies d’oreillers. 21 où je pouvais exercer une certaine mesure de pouvoir, et je l’ai fait en nommant un permanent à titre de directeur de campagne ou adjoint. Lorsque je suis allée le dire au président, il m’a répondu, "Oh! Je n’y aurais jamais pensé." C’est vrai, me suis-je dit, il n’y aurait pas pensé. Mais c’était déjà fait. C’est absolument merveilleux de constater combien de femmes ont été élues et continuent à l’être au sein du mouvement syndical. Prenez Huguette, par exemple. Je crois que nous lui avons donné un petit coup de coude et que nous lui avons en quelque sorte entrouvert la porte. Nous avons ouvert des portes, et ça n’a pas toujours été facile. Je ne regrette pas un instant de ces moments difficiles, car nous pouvons voir ce que nous avons réalisé. Lorsque j’ai été élue présidente du Comité canadien d’action sur le statut de la femme (CCA), on l’a mentionné plus tôt, j’ai pu y introduire certains aspects de la philosophie syndicale. Par contre, lorsque j’ai été nommée au Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, un service du gouvernement fédéral, je ne crois pas avoir eu beaucoup d’influence, car lorsque je prenais la parole, je voyais toutes ces femmes d’organismes de la classe moyenne, et ça me rebutait. Mais j’ai tenu bon. Le Jour d’action de grâce de 1975 est pour moi un jour mémorable, et ça n’a rien à voir avec l’action de grâce. Je revenais de Toronto où j’étais allée passer ce jour de fête avec ma famille. C’était une nuit noire et pluvieuse. J’écoutais la radio tout en conduisant lorsque j’entendis la voix suave du premier ministre, Pierre Trudeau. Il revenait sur sa promesse, une promesse préélectorale, et il introduisait le contrôle des prix et des salaires. Je suis certaine qu’un grand nombre d’entre vous se souviennent de cette époque. Exactement une semaine plus tard, le congrès du SCFP avait lieu à Toronto. C’est à ce congrès que j’ai été élue présidente. J’entamais mon mandat à la présidence, aux prises avec le programme de contrôle que préconisait le Premier ministre. Croyez-moi, ça n’a pas été facile, et nous avons lutté. Les postiers étaient en grève. Notre congrès avait lieu au Royal York, et ils avaient leur piquet de grève de l’autre côté de la rue devant le bureau de poste. À l’heure du dîner, toute l’assemblée du congrès a traversé la rue, et ensemble nous avons protesté contre le contrôle des salaires. Nous avons aussi manifesté notre appui aux postiers. J’ai fait partie d’un grand nombre de piquets de grève et de manifestations au cours de ma vie, mais Bien des choses se sont produites au cours de ce séjour. En rétrospective, je peux rire de certaines de ces choses, mais pas de toutes. J’ai vu beaucoup d’injustice. J’ai vu comment un juge à un endroit peut rendre une sentence de deux mois pour une infraction, et un autre juge, ailleurs, une sentence de 14 mois pour la même infraction. J’ai beaucoup appris. Ce n’est pas une expérience que j’ai choisie, mais de l’ai vécue. Je suis devenue membre du SCFP en 1954 et j’ai gravi les échelons. Au début, je n’ai pas senti la discrimination que j’ai sentie plus tard. Je n’ai pas d’explication à cela, car une chose est sûre, je n’ai pas été élue par des femmes. Ce sont des hommes qui m’ont élue. C’est peut-être aussi que j’ai changé après avoir été élue secrétaire-trésorière en 1967. À ce moment-là, j’ai vu que d’autres syndicats s’interrogeaient sur la présence de "cette femme-là". Ils n’utilisaient pas le mot "femme", mais plutôt quelque chose comme "nana". Ils se demandaient comment j’avais réussi à devenir secrétaire-trésorière sans avoir été dirigeante à temps plein. Nous avions simplement une structure différente. Le SCFP était à ces débuts à ce moment-là. Sa nouvelle structure avait été établie seulement quatre ans auparavant. En plus, le syndicat était déchiré par des difficultés politiques internes. En dépit de tout cela, on commençait à élire des femmes aux postes de direction, et nous pouvons le constater sur une autre photo à l’arrière de la salle. Ils en ont élu deux: Shirley Carr et moi-même. Les autres sont des hommes. À la longue, d’autres femmes ont été élues. À cette époque-là, les jeunes hommes rêvaient probablement de devenir un jour président, comme ceux d’aujourd’hui d’ailleurs, mais je n’avais jamais pensé être un jour présidente. Je pensais seulement à m’acquitter de mes fonctions, et c’était une grosse responsabilité. Tous ceux et celles qui ont dû un jour ou l’autre s’acquitter de l’aspect financier d’un syndicat le savent: il ne semble jamais y avoir assez d’argent, et c’est une énorme responsabilité. Toutefois, je croyais que même si je n’avais pas tout le pouvoir ni même le pouvoir de prendre les décisions, je pouvais apporter certains changements. Et je l’ai fait. Je ne suis pas certaine des dates, mais je suis certaine que j’ai eu beaucoup à dire quant à la décision d’embaucher Cynthia Wishart et Julie Davis. Je suis fière de ces décisions. Je ne suis pas si fière d’autres décisions, mais de celles-là, oui. Vous le savez, Shirley a été élue vice-présidente exécutive du CTC en 1974. Lorsqu’elle a décidé de poser sa candidature, j’étais alors dans une position 22 je n’ai jamais vu autant de policiers en civil que ce jour-là. Ils croyaient que nous ne pouvions les reconnaître. Dieu sait qu’ils étaient là. Nous avons appris qu’ils n’étaient pas là seulement pour nous surveiller. Lorsque nous sommes retournés à l’hôtel, Pierre Trudeau et Margaret quittaient l’hôtel à la suite d’un déjeuner avec un groupe d’hommes d’affaires concernant les mérites du contrôle des salaires. Il y a eu un peu de bousculade et de vacarme, et le lendemain les journaux rapportaient que les délégués du congrès du SCFP avaient bousculé Margaret Trudeau. Je ne crois pas qu’un seul délégué ne soit venu à 10 pieds d’elle, mais ce n’est pas ce que les journaux ont publié. Pas une façon facile d’entamer un mandat! Nous avons eu de nombreuses décisions importantes à prendre concernant le contrôle des salaires. Nous avons d’abord dû décider comment aborder la question. Nous avions un nombre énorme de bas-salariés à protéger, et tous les petits avantages que nous commencions à acquérir risquaient d’être à l’eau. Je savais qu’il faudrait lutter, et Shirley a parlé de l’esprit militant que nous avons dû avoir pour tenir le coup. J’ai dû me rendre dans tous les coins du Canada et faire la navette d’un point à un autre. Je n’avais pas le temps de prendre de vacances ou de jours de congé. Il fallait faire tout ce que nous pouvions pour aider nos membres et nos permanents et permanentes à lutter contre le contrôle des salaires. Nous nous sommes adressés aux politiciens de toutes les provinces, mais en vain. C’était une période difficile pour les femmes. Notre lutte pour l’équité salariale a pris un coup dur à ce moment-là. Un grand nombre de femmes du mouvement féminin, pas nécessairement des syndicalistes, croyaient qu’en occupant ce poste, je pourrais guérir tous les maux du jour au lendemain, comme on s’attend aujourd’hui à ce que Bob Rae en Ontario trouve la panacée universelle. C’est s’attendre à ce que le travail d’aujourd’hui ait été fait hier. Ce n’est pas comme cela que ça se passe. Je n’étais qu’une voix parmi les autres. J’avais de l’influence, bien sûr, mais nous avons dû lutter. Une femme à la présidence, c’était une nouveauté. J’étais une sorte de symbole, et tout ce que vous voulez. Oui, une "nana" pour certains. Les animateurs des émissions de ligne ouverte et des émissions-causerie voulaient tous me parler ou m’interviewer. Je me souviens d’avoir été interviewée par Judy Lamarche. Celles d’entre vous qui sont assez vieilles pour s’en souvenir, se souviendront de Judy Lamarche, une sorte de rebelle du parti libéral et probablement la première femme, et la seule, à appeler Pierre Trudeau "vieux coquin" à la télévision. Elle avait essuyé une défaite lors des élections et elle animait une émission télévisée. Elle a commencé par me dire, "J’ai toujours pensé que le pouvoir était un mot masculin," ce à quoi j’ai répondu, "Je ne l’ai pas encore. J’en ai, mais je ne l’exercerai pas." Je croyais que c’était une étrange façon d’entamer une entrevue: qu’allez-vous faire avec tout ce pouvoir? J’y ai réfléchi et j’ai conclu que, si en effet j’avais tout le pouvoir qu’elle m’attribuait, c’était le temps plus que jamais de mettre la main à la pâte. Nous avons éprouvé des déceptions en cours de route. Tout n’a pas été facile, et il n’y a pas de solution miracle. Il n’y a pas de solution miracle à l’accès à l’égalité. Lorsque j’étais membre du Conseil exécutif national du SCFP, le nombre de femmes au sein du conseil était proportionnel au nombre de femmes de l’ensemble du syndicat. Lorsque j’ai pris ma retraite, cette proportion a diminué. Quelle désillusion! Lorsque j’ai fait mes adieux, à l’occasion d’un congrès, j’en ai profité pour en parler. Heureusement, l’équilibre s’est rétabli. Les choses ont de nouveau changé. La plupart d’entre vous le savez, le SCFP a une secrétaire-trésorière, ce qui signifie qu’un dirigeant sur deux est une femme. De nombreux changements se sont aussi produits ailleurs, au sein des syndicats locaux, des conseils du travail, des fédérations du travail et du CTC. Nous pouvons le constater ici aujourd’hui, et nul doute que les discussions en témoigneront, ainsi que ce qui se produira par la suite. Bien que le parcours a parfois été cahoteux, c’est un véritable réconfort de voir les femmes prendre leur place dans la lutte. Quitte à le répéter, je dois vous dire comment je me suis sentie lorsque j’ai vu plusieurs de mes amies, des syndicalistes, être élues en Ontario et accepter un poste au sein du cabinet avec toute la confiance et l’aplomb d’un homme. Personne ne pourrait être plus sûre qu’elles de ce qu’il y a à faire, de ce qu’elles vont faire et comment elles s’y prendront. Malgré tout, elles ont encore besoin de notre aide et de notre appui, et elles savent qu’elles peuvent compter sur nous. Nancy a ri lorsque j’ai mentionné que je faisais une tapisserie à l’aiguille en prison. C’est vrai et, fait intéressant, Lucie avait elle aussi l’intention de travailler à la sienne, mais on ne lui a pas permis de la garder avec elle parce qu’elle l’avait déjà commencée. Quant à moi, je n’avais pas encore commencé la mienne alors on m’a permis de la 23 garder. Si vous y comprenez quelque chose, ça m’intéresse. De toute façon, juste avant de quitter la maison pour me rendre ici, j’ai reçu un appel d’une bonne amie qui voulait me dire qu’elle avait trouvé un nouveau livre de tricot. "Canada Knits, m’a-t-elle dit, c’est l’histoire du tricot. Ce n’est pis un livre de patrons et de points de tricot." Puis, elle a ajouté, "Grace, on va te réserver un paragraphe dans ce livre, à titre de femme éminente qui tricote". Alors vous voyez, il y a bien des façons de passer à l’histoire. Personnellement, je préférerais que ce soit en tant que syndicaliste. Je vous souhaite à toutes beaucoup de succès, et j’espère qu’un grand nombre d’entre vous deviendront présidente nationale dans un avenir rapproché. Merci. 24 CONFÉRENCIÈRE D’HONNEUR Audrey McLaughlin Chef Nouveau Parti démocratique Merci. Je suis très contente d’être ici ce matin. Notre conférence a pour thème le pouvoir des femmes. Permettez-moi de débuter par une définition de ce concept. Pour moi, avoir du pouvoir, c’est être maître de notre corps et de notre vie. C’est aussi avoir l’occasion de vivre pleinement sa vie et de faire notre part dans le inonde qui nous entoure. Pour y arriver, nous avons besoin de sécurité, tant sur le plan physique qu’économique, et nous devons nous faire entendre là où se prennent les décisions politiques. Aujourd’hui, je voudrais jeter un coup d’oeil sur la situation et voir comment nous pourrions influer sur les décisions politiques de façon à les modifier pour que les lois adoptées soient avantageuses pour les femmes. La meilleure façon de le faire, bien sûr, c’est d’accroître le nombre de femmes — de femmes féministes — dans les postes élus et dans les postes de pouvoir. Les femmes ont toujours joué un rôle important dans les mouvements sociaux et au sein des groupes d’action: dans l’environnement, la paix, l’action communautaire et les syndicats. Le fait que nous soyons réunies aujourd’hui démontre le rôle important du mouvement syndical dans la promotion de la participation des femmes et l’égalité pour les femmes. La présence d’une grande femme à la tête du CTC, des nombreuses grandes femmes à la tête de syndicats canadiens et de fédérations provinciales, des centaines de femmes au sein de comités et de conseils exécutifs, et des milliers de femmes devenues déléguées syndicales témoignent du succès des femmes au sein du mouvement syndical. Le succès des femmes se manifeste aussi dans les gains réalisés par les femmes syndicalistes, dans les gains qu’elles envisagent et dans la lutte contre les problèmes que posent le harcèlement sexuel, la discrimination et les ghettos d’emplois. L’énorme progrès dans le domaine de l’équité en matière d’emploi et de salaire atteste aussi de notre succès. Somme toute, les syndicats sont synonymes de l’amélioration des salaires et des conditions de travail des femmes. Si nous avons réalisé ces progrès, c’est grâce à chacune d’entre vous et à toutes les femmes qui vous ont précédées. Des femmes comme Madeleine Parent, qui a dirigé les femmes de l’industrie textile du Québec et qui les a aidées à tenir tête à M. Duplessis, des femmes comme Eileen Suffrin, qui a mené la première campagne de recrutement dans les magasins Eaton, et comme Grace Hartman, qui fut la première femme à la tête d’un grand syndicat. Je remercie toutes les femmes qui nous ont précédées et toutes les femmes qui sont ici présentes de la tâche accomplie au nom des femmes du Canada. Les femmes ont joué un rôle important dans la politique d’intervention. Par contre, sur la scène électorale et politique, les succès sont moins grands. La politique est une culture distincte. Elle a son propre langage, son propre code vestimentaire et ses propres règles. C’est une politique masculine. Le résultat est évident. Le système politique s’inspire des valeurs masculines et, par surcroît, des valeurs d’une élite masculine. Il s’ensuit que les politiques adoptées répondent aux besoins et aux aspirations des hommes. Nous nous retrouvons donc avec une société qui connaît d’importantes inégalités. Une société où le salaire des femmes se situe à 65 % de celui des hommes, où les femmes ne sont pas maîtresses de leur corps, où le gouvernement paie pour l’armement alors que les femmes doivent organiser des ventes de pâtisseries pour financer les centres d’accueil — pourquoi ne pas faire le contraire? Il n’y a pas de doute que nous devons accroître le nombre de femmes sur la scène politique et dans les postes élus. Nous devons nous introduire dans cette culture exclusive et la transformer. Nous 25 Mary Collins, ministre responsable de Condition féminine Canada, nous demande de ne pas faire de chahut, d’être sages et rangées, de faire des compromis, et elle nous dit que tout va s’arranger. Il est clair que la solution n’est pas uniquement dans l’élection de femmes au pouvoir. Ce qui importe, c’est d’élire des femmes aptes à nous représenter et résolues à défendre les intérêts des femmes. Il faut élire des femmes qui se soucient des effets qu’ont les politiques sur les femmes, qui promouvoient l’égalité des femmes et qui veulent un monde meilleur et plus juste. Bref, il faut élire des féministes, de véritables féministes, qui ont plus à coeur d’accroître le pouvoir des femmes que d’accroître leur propre pouvoir. S’il faut compromettre ses principes pour accéder au pouvoir, si c’est ça le prix du pouvoir, le prix est trop élevé. Les femmes qui font présentement partie du Cabinet peuvent peut-être se le permettre, mais pas les femmes du Canada. En tant que féministes, travailleuses et militantes, notre position privilégiée nous permet d’apporter des changements. Et parce que nous sommes des sociaux-démocrates et des syndicalistes, nombre d’hommes se joignent à nous: ceux qui partagent nos valeurs, qui comprennent nos problèmes et qui luttent, avec nous, pour l’atteinte de nos objectifs. Quelles mesures allons-nous préconiser afin de donner plus de pouvoir aux femmes? D’abord, nous allons donner une nouvelle direction aux politiques économiques en vigueur dans notre pays de manière à redresser l’économie. Ensuite, nous allons changer l’ordre des priorités pour que l’égalité économique devienne un objectif au même titre que la croissance économique. Que le gouvernement l’admette ou non, le Canada s’enfonce dans une profonde récession. Au cours du dernier mois seulement, 41 000 femmes ont perdu leur emploi. Les nombreuses femmes qui n’ont pas les moyens de payer les services de garde d’enfants et toutes celles qui font la queue devant les soupes populaires savent qu’il y a une récession. Elles n’ont pas besoin d’étudier les dernières statistiques pour le savoir. Elles le vivent. Le pire, c’est que c’est notre propre gouvernement qui a entraîné le Canada dans la récession en signant l’Accord de libre-échange, en maintenant des taux d’intérêt élevés et en adoptant des politiques qui ont fait gonfler la valeur du dollar canadien. devons contester les anciens principes, démystifier le système et réécrire les règles. Les femmes telles Agnes McPhail, Thérèse Casgrin et Rosemary Brown ont, elles, remis en question une hypothèse fondamentale de la politique masculine: l’hypothèse que les femmes n’ont pas leur place en politique. J’ai une anecdote à vous raconter au sujet de Nellie McClung. Elle s’adressait à un ralliement à Winnipeg en 1915 lorsqu’un chahuteur s’est écrié, "Le Premier ministre démissionnerait si jamais une femme était élue", ce à quoi elle a répondu, "Ce qui prouve que les femmes seraient une force purificatrice". Ces femmes nous ont légué un merveilleux héritage, mais nous ne sommes pas sans savoir qu’il y a encore énormément de travail à accomplir. Nous devons démystifier la notion que l’expérience des femmes ne compte pas. Nous devons faire valoir l’idée que les mères célibataires, les syndicalistes, les travailleuses sociales et les infirmières ont à leur actif un vécu qui est exactement ce dont la politique a besoin, et qu’elles ont derrière elles des expériences qui sont tout aussi valables et bien souvent encore plus pertinentes en politique que celles des avocats d’entreprises. Sur un plan encore plus fondamental, nous devons remettre en question la conception que l’on a d’un chef, car l’image que nous avons est encore celle d’un homme riche et de race blanche. Je constate toutefois que les choses ont évolué. Je pense à Tony Penikett, par exemple, ou au chef d’Etat de l’Islande... Sommes-nous prêts à accueillir une femme à la tête du gouvernement? Si l’Irlande, de tous les pays, a élu une féministe à la présidence, nous devons sûrement nous aussi être prêts. Ceci dit, je dois préciser qu’il ne s’agit pas seulement d’élire des femmes. Margaret Thatcher est une femme, et nous avons vu le dommage qu’elle a fait. Nous avons aussi nos propres exemples ici au Canada. Notre ministre d’Emploi et Immigration, Barbara McDougall, promouvoit la privatisation, la déréglementation et le libre-échange, toutes des politiques qui portent atteinte aux emplois des femmes. Le ministre de la Justice, Kim Campbell, qui prétend être pro-choix, n’hésite pas à promouvoir une loi qui fera des criminelles de toutes les femmes qui auront recours à l’avortement. 26 En ce moment, la perspective de l’introduction de la TPS et de l’expansion du traité de libreéchange canado-américain vers le sud pour inclure le Mexique ne nous sourit guère. Le gouvernement nous a hypothéqué et il veut maintenant nous conduire à la faillite. En tant que travailleurs et travailleuses sociodémocrates, nous savons qu’un accord de libreéchange avec le Mexique, en plus de redoubler l’atteinte portée à nos emplois, et particulièrement aux emplois des travailleuses de l’industrie du textile et du vêtement et du secteur des services, ne ferait qu’entretenir l’exploitation de nos consoeurs et confrères mexicains qui gagnent le salaire dérisoire de quatre dollars par jour et qui vivent dans des conditions lamentables. En tant que syndicalistes et socio-démocrates, nous refusons que notre économie soit relancée sur le dos des travailleuses et travailleurs mexicains. Nous ne permettrons pas que nos consoeurs et confrères soient exploités. Les contrats sociaux internationaux comportant des garanties en matière de normes environnementales, les droits de la personne et des travailleurs et le droit à un salaire convenable sont tous des éléments qui feront l’objet de notre lutte. Il ne sera pas question d’un accord de libre-échange avec le Mexique tant que nous n’aurons pas réalisé ces objectifs. La fin du libre-échange avec les États-Unis, le refus de signer une entente de libre-échange avec le Mexique, la baisse des taux d'intérêt, un système fiscal véritablement progressiste et juste, une politique de plein-emploi, autant de mesures qui donneraient un regain de vie à l’économie canadienne. Par le fait même, elles vont améliorer la situation économique des femmes. Ce ne sont toutefois pas les politiques de croissance économique à elles seules qui garantiront l’égalité des femmes au travail et dans la société. Les politiques de justice économique sont aussi essentielles, notamment des lois en matière d’équité d’emploi et de salaire et des délais d’adoption précis, un programme national de garde d’enfants à prix abordable, accessible et sans but lucratif. Ces programmes ne sont pas un luxe: ils sont essentiels à l’égalité des femmes. Ils représentent des valeurs dont notre système a besoin. Ils confirment l’importance du travail des femmes, valorisent les enfants et font valoir les principes de l’égalité des chances et de la liberté de choisir. L’égalité des femmes, ce n’est pas seulement une question de changement d’attitudes. C’est aussi une question de modifier les lois. Souvent, c’est la loi même qui change les attitudes et les valeurs. Le droit aux soins de santé n’était pas une valeur trop populaire au début. On s’y est farouchement opposé. Ce n’est qu’une fois la loi adoptée que les gens se sont rendus compte du bien-fondé de cette valeur. L’histoire du progrès social abonde d’exemples comme celui-là. • On avait dit que si on abolissait l’esclavage, l’économie s’écroulerait. On s’était trompé: l’économie a tenu le coup. • On avait dit que si on abolissait le travail des enfants, l’économie serait perturbée. On l’a aboli, et l’économie a résisté au changement. • Le scénario a été le même pour le salaire minimum, la semaine de 40 heures, le congé de maternité et tous les autres avantages que nous avons acquis. • Aujourd’hui, on nous dit qu’on aimerait bien augmenter le salaire des femmes, et que oui, un plus grand nombre de femmes devraient occuper des postes de gestionnaire. Bien sûr, les services de garde devraient pouvoir accueillir un plus grand nombre d’enfants. Mais, nous diton, l’économie ne saurait tenir le coup. C’est faux. Ces programmes n’affaibliraient pas l’économie. Au contraire, ils la redresseraient. Si nous pouvons nous permettre de payer les cadres supérieurs des sociétés des salaires de 450 000 $, nous avons les moyens de mettre ces programmes sur pied. Si, en fait, il est une chose que nous ne pouvons nous permettre, c’est bien de priver une autre génération de femmes de ces programmes. Permettez-moi, avant de terminer, d’ajouter quelques mots sur les années à venir. Bien souvent, nous luttons simplement pour ne pas perdre ce que nous avons acquis. La semaine dernière, j’ai passé une journée avec des travailleuses de l’industrie textile du Québec: des femmes pauvres, grand nombre d’entre elles des immigrantes, qui doivent lutter quotidiennement pour joindre les deux bouts. Cette année, on a fait marche arrière à de nombreuses reprises. On a été témoins de terribles tragédies. Le sexisme se manifeste encore abondamment dans notre société: dans les universités, au travail, dans le système judiciaire et à la télévision. C’est facile de se laisser abattre. Nous avons toutes eu, au cours de notre vie, des moments de découragement. Quoiqu’il en soit, que nous travaillions sur une chaîne de montage, que nous soyons à la tête d’un parti politique, que nous 27 fassions du traitement de texte ou de la programmation, ou que nous élevions une famille, nous savons que nous pouvons compter les unes sur les autres et qu’ensemble nous pouvons progresser. Je crois en effet que nous avons progressé malgré les contretemps, et l’avenir me laisse optimiste. Je suis émue devant le nombre record de femmes inscrites au programme de génie de l’université de Montréal cette année. Le souvenir des femmes qui y ont perdu la vie m’émeut. La force et le courage de ces étudiantes me touchent. Je pense au Cabinet du gouvernement ontarien et aux onze femmes extraordinaires qui en font partie, nombre d’entre elles étant des syndicalistes. Elles auront l’occasion de faire des changements, et je sais qu’elles en profiteront. Je pense aux mesures que les femmes ont prises pour obliger le gouvernement à rétablir le financement des centres pour femmes, à la suite des coupures insensées qu’il avait effectuées. Notre victoire a fait ressortir quelque chose de fondamental: rien n’est gratuit. Ce sont les femmes qui, en se ralliant pour se faire entendre, ont fait comprendre au gouvernement que les coupures étaient inacceptables. Ce n’est pas en étant sages et rangées que nous nous ferons comprendre. L’histoire de nos réalisations n’en est pas une de soumission. C’est une histoire qui témoigne de femmes qui n’ont pas eu peur de se faire entendre. Enfin, je suis optimiste face aux changements qui se sont produits au Canada. La population revendique des changements; elle veut une politique renouvelée qui permettra à tous et à toutes — aux femmes, aux autochtones, à la classe ouvrière et aux minorités — de se faire entendre et d’obtenir les solutions revendiquées. Les Canadiens et les Canadiennes veulent une nouvelle forme de leadership. Ils veulent un leadership qui fait place à la coopération plutôt qu’à l’autorité, un leadership qui ne s’inspire pas de l’imposition du pouvoir, mais plutôt de partage du pouvoir. Je crois que c’est dans la solidarité et la camaraderie que nous y arriverons. Nous pouvons faire en sorte que la politique se fonde sur le respect, l’égalité, le partage du pouvoir et la dignité. Merci. 28 TABLE RONDE - LES FEMMES ETLES SYNDICATS : LES DÉFIS À RELEVER _____ • - Muriel Collins Syndicat canadien de la Fonction publique, Section locale 79 Lorsqu’on m’a invitée à venir vous adresser la parole, j’ai accepté d’emblée. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de certains des moyens que nous avons utilisés dans ma section locale pour venir à bout du racisme et du sexisme. La section locale 79 du Syndicat canadien de la Fonction publique, dont le centre d’activités est municipal, regroupe quelque 10 000 travailleurs et travailleuses de la communauté urbaine de Toronto, de la ville de Toronto et de l’hôpital Riverdale. Elle compte parmi ses membres 1 800 employés et employées à temps partiel qui travaillent dans des foyers pour personnes âgées. C’est la plus grande unité de négociation du Canada composée exclusivement d’un effectif à temps partiel. Notre lutte pour la justice sociale et économique a été menée de façon simple, franche et pratique. Les gains réalisés ont bénéficié tant aux femmes engagées dans la lutte qu’à l’ensemble de la section locale, du syndicat national et de la collectivité. Le travail que nous avons accompli comporte, entre autres: — le recrutement des femmes; — la lutte pour empêcher les emplois à temps plein d’être réduits à des emplois à temps partiel; — le lobbying pour accroître la protection des droits de la personne par le biais de la procédure de règlement des griefs. Le premier exemple porte sur la lutte menée en 1983 pour organiser le personnel à temps partiel des foyers pour personnes âgées. La communauté urbaine de Toronto compte huit foyers pour personnes âgées, dont l’effectif se compose à 90 % de femmes, pour la plupart des Noires ou des Asiatiques. Travailleuses à temps partiel ou occasionnelles, elles ne jouissaient d’aucun des avantages des emplois à temps plein. Nous avons mené une campagne rapide et discrète afin de réduire les obstacles que pose l’accès aux postes à temps plein. En deux mois, nous avions recueilli le nom de toutes les travailleuses occasionnelles, et avant d’entreprendre la campagne, nous avions réussi à savoir dans quels départements elles travaillaient. Lorsque la campagne a enfin été mise en branle, 50 membres de notre syndicat ont distribué des lettres confidentielles à toutes les personnes visées pour leur expliquer le but et la nature de notre campagne. Nous avons recruté 700 personnes en trois semaines. Nos points de rencontre étaient les restaurants McDonald, les cafés, les restaurants, les maisons privées, les abords des lieux de travail et même les arrêts d’autobus. Les négociations ont été difficiles. L’employeur nous a tenu tête. Il soutenait que les emplois à temps plein serviraient à acheter des bateaux et des voitures. Il se trompait. La plupart de ces femmes étaient des mères célibataires qui arrivaient à peine à joindre les deux bouts et à payer le loyer. Nous avons eu raison de l’employeur, après deux années de lutte. Nous avons dû avoir recours à l’arbitrage, mais nous avons gagné. Notre victoire a ouvert une brèche dans le réseau de discrimination. Les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtées au cours de notre campagne de recrutement illustrent bien les problèmes que pose la syndicalisation de la main-d’oeuvre à temps partiel en Ontario. Le recours à une main-d’oeuvre à temps partiel fait partie de la nouvelle vague qui se propage au Canada, au détriment des emplois à temps plein et permanents. Ce phénomène est particulièrement fréquent dans le domaine des soins de santé et dans le secteur des services, où les postes sont occupés en grande partie par des Noires. Cette nouvelle tendance m’amène à vous parler de mon deuxième exemple: la lutte contre la réduction des emplois à temps plein à des emplois à temps partiel. Cet exemple porte sur les préposés aux malades. Aujourd’hui, 96 % des préposés aux malades de la communauté urbaine de Toronto sont des femmes, et plus de la moitié d’entre elles sont des Noires ou des Asiatiques. Les trois-quarts des travailleuses à temps partiel veulent un emploi à temps plein parce qu’elles en ont besoin. Certaines attendent depuis sept, huit ou même neuf ans. En 1987, nous avons découvert que l’administration s’apprêtait à éliminer progressivement 71 postes à plein temps de préposés aux malades, au fur et à mesure qu’ils deviendraient vacants, pour les transformer en postes à temps partiel. Nous avons décidé d’agir et de faire en sorte que les responsables changent d’idée. Il s’agissait d’équité en matière d’emploi, et nous n’allions pas nous croiser les bras et laisser la direction s’en tirer à bon compte. Je dois avouer qu’au début j’ai cru que la cause était perdue d’avance. Nous devions néanmoins engager la lutte, même si la victoire nous 29 apparaissait impossible. Je ne croyais pas que nous aurions de la difficulté à convaincre les gens que l’accès à un emploi à temps plein est un problème auquel se heurtent les femmes, et particulièrement les femmes noires et asiatiques. J’ai eu tort dans les deux cas. Nous sommes sorties victorieuses de notre lutte, et l’administration n’a jamais admis que le problème en était un de sexisme et de racisme. Nous avons pris conscience du plan de la direction lorsque des travailleuses à temps partiel ont téléphoné au syndicat pour nous dire qu’on ne pourvoyait pas aux postes à temps plein. Bon nombre de travailleuses à temps partiel ont alors déposé des griefs. Au cours des auditions de griefs, la direction a révélé qu’elle avait modifié sa politique de dotation et que c’était intentionnellement qu’elle ne pourvoyait pas aux postes vacants. Nous étions en difficulté. Pour avoir gain de cause, nous devions arriver à convaincre un arbitre que la direction éliminait les postes à temps plein pour se soustraire à ses obligations et pour saper les dispositions de la convention collective du personnel à temps partiel qui donnaient accès aux emplois à temps plein. Lorsque le projet de budget a été soumis en 1987, nos pires craintes furent confirmées. L’administration municipale cherchait à se débarrasser des postes à temps plein même si, ce faisant, elle allait à l’encontre de son propre rapport sur l’égalité des chances. Nous avons distribué des prospectus à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Nous avons mené une campagne épistolaire et téléphonique auprès des communautés noires, philippines, chinoises et latino-américaines. Nous avons communiqué avec les groupes de femmes et de personnes retraitées et nous avons envoyé des pétitions et des lettres au conseil municipal de la ville de Toronto. L’appui énergique que nous avons reçu par la suite nous a permis de prouver aux bureaucrates et aux politiciens de l’hôtel de ville que nous n’étions pas seules et que nous pouvions mobiliser la collectivité. Notre lutte pour protéger les emplois à plein temps des préposés aux malades était aussi en grande partie une lutte pour assurer la qualité des soins offerts aux personnes âgées. Nous avons sollicité l’appui d’organismes de personnes retraitées et de groupes de défense des droits des personnes âgées. Lorsque le budget a été adopté par le conseil municipal, nous avions déjà repris tous les emplois à temps plein. Qui plus est, à l’arbitrage, la direction a fait une offre de règlement qui comportait un nombre accru de postes à temps plein. Mon troisième et dernier exemple a trait au travail qu’a accompli notre section locale pour défendre le droit du recours à la procédure de règlement des griefs et, ainsi, à la Commission ontarienne des droits de la personne. Au cours des dernières années, nous avons cherché à convaincre la Commission ontarienne des droits de la personne de ne pas appuyer les systèmes de plaintes administrés par les employeurs. Aux termes de ces systèmes, un employeur établit une procédure de plainte à l’intention des employés dont les plaintes portent sur la discrimination et le harcèlement. Il s’agit, essentiellement, d’un système selon lequel la direction effectue elle-même l’enquête. Nous avons écrit à la commission à plusieurs reprises et nous avons eu des rencontres. Nous avons soutenu que laisser l’employeur faire l’enquête, c’est un peu comme laisser le renard garder le poulailler. La direction a même utilisé les services de son cabinet d’avocats pour faire l’enquête, au nom des plaignants et des plaignantes, à ce qu’elle a supposé. Nous avons des clauses rigoureuses interdisant le harcèlement sexuel et la discrimination, et nous encourageons nos membres à déposer des griefs. Nous ne sommes pas sans savoir que c’est difficile d’avoir gain de cause dans ce domaine. Nous cherchons à convaincre la commission de faire des démarches pour que la législation du travail soit modifiée de sorte que le code des droits de la personne fasse partie de toutes les conventions collectives de la province. Nous avons gagné considérablement d’appui au sein de la collectivité dans cette lutte. Voilà certaines des causes que notre section locale a préconisées au nom des femmes. À la fin, notre campagne de recrutement, notre lutte pour protéger les emplois à temps plein et la défense des droits de la personne ont fait une différence dans la vie d’un grand nombre de nos membres. Notre lutte nous a également permise d’établir des liens avec divers groupes communautaires qui luttent pour les mêmes causes que nous, mais à leur façon. Un plus grand nombre de nos consoeurs sont maintenant actives au sein de notre section locale. Notre conseil exécutif et nos comités sont représentatifs de notre effectif syndical qui regroupe des Noires, des Asiatiques, des Philippines et des Blanches. Nous avons prouvé que nous pouvons solliciter et obtenir l’appui de la population dans notre lutte contre les politiques racistes et sexistes du patronat. Nous avons montré que nous pouvons nous mobiliser et sortir victorieuses de nos luttes. Il ne faut cependant pas nous asseoir sur nos lauriers. Nous devons nous rappeler que le lien est si étroit entre le racisme et le sexisme que l’un ne va presque jamais sans l’autre. Il s’ensuit que pour avoir raison de l’un, il faut aussi enrayer l’autre. Merci. 30 TABLE RONDE - LES FEMMES ET LES SYNDICATS : LES DEFIS À RELEVER Nicole Désormeaux Union internationale des employés des services, Section locale 298 Introduction résolutions incitant ses affiliés à implanter des programmes d’accès à l’égalité dans les milieux de travail et adoptait des résolutions incitant ses affiliés à implanter des programmes d’accès à l’égalité à l’intérieur des structures syndicales. En 1986, le bureau de la FTQ ainsi que le Conseil général mettaient sur pied et définissaient le mandat du comité sur l’accès à l’égalité de la façon suivante: — connaître et analyser le portrait de la situation des femmes dans toutes les structures de la FTQ; — définir les éléments discriminatoires inhérents aux pratiques syndicales et élaborer un programme d’accès à l’égalité à l’intérieur des structures de la FTQ. Au congrès de 1987, les délégués et déléguées ont adopté le rapport intérimaire du comité sur l’accès à l’égalité et ont donné à la FTQ et au comité le mandat de poursuivre le travail amorcé par une enquête auprès des sections locales et des syndicats. Le rapport dont je vais faire état constitue donc une continuité et une mise à jour des efforts consentis dans ce domaine. Permettez-moi d’abord de souligner à quel point je suis fière de venir vous présenter les résultats d’une étude dirigée par la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) concernant l’accès à l’égalité, et plus spécifiquement, la participation des femmes à des positions de eadership dans les syndicats affiliés et au niveau de a FTQ elle-même. Non pas que j’aie à vous annoncer que les femmes de la FTQ et de ses syndicats affiliés ont décidé à l’égalité sur le plan des positions de leadership. Rien de tel: nous avons au contraire beaucoup de chemin à parcourir avant d’y arriver. Ma fierté vient du fait que la FTQ, qui a longtemps été une fédération à prédominance très masculine dans les sphères de direction, a maintenant franchi un autre pas important dans sa démarche de faire aux femmes la place qui leur revient. En acceptant d’analyser la place des femmes dans ses structures et les obstacles à leur participation, en acceptant de discuter en congrès des objectifs et des mesures visant à assurer la place des femmes dans l’avenir, la FTQ a démontré qu’elle ouvrait une autre porte au changement. Je me réjouis d’autant plus de cette situation du fait que je proviens d’un syndicat, l’Union des employés de service, local 298, composé à près de 75 % de femmes. La démarche enclenchée à la FTQ nous permet d’espérer que les jeunes militantes auront moins d’obstacles à franchir pour accéder aux postes de leadership et d’influence. Les résultats de l’enquête En 1988 et en 1989, la FTQ a donc entrepris une enquête auprès des diverses structures qui lui sont affiliées (sections locales, syndicats et conseils de travail) afin de dresser le portrait de la participation des femmes dans nos structures syndicales. Elle a été réalisée, d’une part, par l’envoi de questionnaires aux sections locales et, d’autre part, par des entrevues auprès des directions syndicales et des conseils de travail. Je tiens à souligner que le taux de réponse obtenu fut excellent. Globalement les résultats de l’enquête démontrent que la proportion des femmes dans l’ensemble des syndicats affiliés à la FTQ est de 30 %. Voyons maintenant si la participation des femmes aux différentes structures de la FTQ correspond à cette proportion. Dans les sections locales ayant répondu au questionnaire de l’enquête, la présence féminine, globalement, se situe à 33,4 %. Mais on se rend compte que cette proportion n’est pas également respectée eu égard aux lieux d’interventions possibles. Par exemple au niveau de l’exécutif, les femmes occupent 36,8 % des postes, ce qui leur assure une plus forte représentation, alors qu’au niveau de Origine de l’étude Avant d’aborder les résultats en tant que tels, j’aimerais situer brièvement l’origine de cette étude. Bien entendu, la préoccupation de la FTQ en ce qui concerne l’accès à l’égalité pour les femmes ne remonte pas uniquement à l’étude "La place des femmes dans nos structures syndicales* dont le rapport a été déposé en novembre 1989. Voilà déjà une quinzaine d’années que de congrès en congrès sont adoptées des politiques et des résolutions visant l’amélioration de la présence des femmes tant sur le marché du travail que dans nos structures syndicales. Dès 1981, la FTQ adoptait en congrès une déclaration de politique concernant la présence des femmes dans les syndicats. Aux congrès de 1983 et 1985 et suite à un colloque sur la question, la FTQ abordait plus spécifiquement le problème de l’accès à l’égalité dans les milieux de travail, adoptait des 31 rattraper. C’est le cas de la représentation au congrès ainsi qu’au Conseil général. Donc, de façon générale, on remarque que, depuis le début des années 80, la place des femmes dans nos structures a connu une certaine progression. Mais les femmes sont encore loin de participer en toute égalité à tous les niveaux de nos structures. Par exemple, leur ascension dans les structures syndicales ne débordent pas le cadre local ou régional et elles sont peu présentes dans les structures décisionnelles de leur syndicat principalement dans les syndicats où elles représentent plus du quart des membres. Après avoir dressé le portrait statistique qui lui a permis d’identifier les structures et les "lieux d’intervention" où les femmes sont sousreprésentées, l’étude de la FTQ a tenté de d&erminer pourquoi les femmes sont absentes. l’ensemble des comités leur représentation est à 28,8 %. On constate de plus l’existence de certaines concentrations: il y a une plus forte proportion de femmes dans les postes de secrétaire-archiviste et de secrétaire-trésorière ainsi qu’au comité de la condition féminine alors que leur présence est plus faible dans les comités de griefs, de santé et sécurité et dans les postes de délégués et déléguées d’atelier ou libérés à temps plein. Le comité chargé de l’étude a donc remarqué, au plan des sections locales, une amélioration de la présence des femmes principalement dans les postes de l’exécutif et dans l’ensemble des comités, sauf ceux des griefs et de la santé et sécurité. Des lacunes demeurent toutefois importantes au niveau des postes salariés, mais aussi dans leurs délégations aux congrès de la FTQ. En ce qui concerne les syndicats, on remarque que chacun des 70 syndicats étudiés avait un pourcentage de membres féminins différents: de nul ou presque dans le cas des syndicats de la construction, par exemple, à majoritaire dans des syndicats représentant des secteurs à main-d’oeuvre principalement féminine, tels les services, le vêtement, les bureaux, etc. Le comité a remarqué que 30 syndicats sur 70 (42,79 %) atteignent leur propre représentativité féminine, pour tous les "lieux d’intervention" (postes électifs, activités de l’organisation, activités où on envoie une délégation, postes salariés). Cependant, il faut préciser que 27 d’entre eux ont un pourcentage de membres féminins qui ne dépassent pas 25 % et que ceux-ci ne représentent qu’un peu plus de 10 % des membres de la FTQ. En fait, il semble plus facile d’atteindre une juste représentation féminine dans les syndicats où le pourcentage de membres féminins est faible. Cela s’explique en partie par le fait que ces faibles pourcentages s’obtiennent souvent par la présence d’une seule ou de quelques femmes. Les résultats de la participation des femmes dans les structures de la FTQ sont pour leur part, les suivants: — La présence des femmes au sein des conseils de travail varie considérablement d’une région à l’autre. Le comité constate qu’il y a certains conseils où les femmes sont sous-représentées au sein des exécutifs, des comités mais surtout au niveau des délégations et des permanents et permanentes. Par exemple, une majorité de conseils ont une délégation composée d’hommes seulement. Tous les conseils, sauf un, n’ont pas d’autres permanents que les permanents régionaux de la FTQ qui sont tous des hommes. — Le comité a remarqué que la participation des femmes à la FTQ ne s’est améliorée qu’au niveau des postes salariés. Dans tous les autres niveaux d’intervention, on note qu’il y a encore de l’amélioration à apporter, voire même pour certains niveaux une légère régression à Les obstacles à la participation des femmes dans les structures syndicales de la FTQ L’aspect le plus important de l’étude de la FTQ réside dans le fait d’avoir pu identifier les obstacles à la participation des femmes dans les structures syndicales à la FTQ. Cela a été possible grâce à une analyse basée sur des informations recueillies, auprès de 375 participantes et participants dans les questionnaires, lors d’entrevues, de réunions et de rencontres. Les entraves à la participation des femmes relèvent de deux ordres: les obstacles sociaux et économiques ainsi que les obstacles du milieu syndical. Les obstacles sociaux et économiques Tous les intervenants et toutes les intervenantes rencontrés dans les diverses étapes de l’enquête, ont clairement identifié les tâches et responsabilités familiales, parentales et domestiques comme étant le facteur social qui influe le plus sur la participation des femmes dans les structures syndicales. Le partage des tâches est loin d’être réalisé, de l’aveu même des hommes, et le partage des responsabilités n’est même pas à l’horizon, constatent les femmes. Tous et toutes soulignent aussi les problèmes encore plus grands vécus par les femmes chefs de famille monoparentale, dont le nombre va grandissant. Ce non-partage des tâches et responsabilités familiales entrave considérablement la disponibilité des femmes et signifie souvent une double, voire une triple tâche (avec le travail) pour les femmes qui veulent s’impliquer syndicalement. Dans la catégorie des obstacles sociaux « économiques, l’entrave identifiée en deuxième lieu découle de l’éducation, des traditions et des préjugées sexistes. Il s’agit, vous vous en doutez bien, du sexisme et des comportements stéréotypés. Dans l’esprit de plusieurs, l’activité syndicale reste une activité masculine et cette vision stéréotypée de l’activité syndicale entraîne souvent, 32 les femmes qui ont encore bien souvent la responsabilité des enfants et des tâches domestiques, soit parce qu’elles sont seules ou parce que le partage des tâches n’est pas réalisé dans le couple ou la famille. Le travail syndical, que l’on soit élu ou représentant embauché, exige lui aussi une grande disponibilité. Les journées de travail peuvent se terminer tard et les déplacements sont nombreux. L’obligation d’assurer de multiples représentations autant à l’intérieur de la structure qu’à l’extérieur entraîne plusieurs déplacements au Québec comme à l’extérieur. L’ensemble des personnes rencontrées reconnaissent que cette grande disponibilité ainsi que la lourde tâche que comporte le travail syndical vont difficilement de pair avec une participation "normale" dans la vie personnelle et familiale. La présence d’enfants en bas âge vient ajouter à la difficulté. Toutefois, selon les entrevues, les hommes n’y voient pas là un obstacle majeur à leur participation syndicale, quoique tous ont noté que cela pouvait expliquer certaines difficultés à recruter des militants et militantes. Pour les femmes il en est tout autrement puisque bien souvent le travail syndical n’est pas adapté à leur situation. Voilà donc les obstacles identifiés concernant la participation des femmes dans les structures de la FTQ. selon les femmes militantes, un rejet venant de leur entourage et des difficultés face à certains employeurs. Le sexisme entraîne également des problèmes de crédibilité auxquels les femmes doivent faire face. Ces problèmes constituent un obstacle sérieux et pousseraient souvent les femmes à "vouloir trop en faire", à vouloir être partout, à investir plus d’énergies que leurs collègues dans la préparation de leurs dossiers...pour être les meilleures. Ce qui amplifie un travail déjà exigeant. Finalement, les femmes interrogées ont souligné qu’il est possible que les femmes et les hommes aient une approche différente face au pouvoir. Ces approches différentes peuvent créer des obstacles à la progression des femmes dans les structures syndicales. Le troisième problème identifié dans la catégorie des obstacles sociaux et économiques est la concentration des femmes dans un nombre restreint d’emplois qui a des répercussions importantes sur la participation des femmes dans les structures syndicales. Comme premier obstacle inhérent à ce phénomène, il y a le fait d’assumer financièrement les coûts du militantisme syndical. Ces coûts sont réels et reconnus puisqu’il existe des allocations d’officiers dans plusieurs syndicats et souvent divers régimes de remboursement de dépenses (allocations pour les repas, essence, etc.). Mais les réalités particulières des femmes face aux obligations parentales entraînent souvent des coûts supplémentaires et importants de gardiennage. Ceci est particulièrement important dans le cas des familles monoparentales. Le deuxième obstacle découlant de cette concentration des femmes dans un nombre restreint d’emploi est l’application des clauses de libérations syndicales. Plusieurs personnes ont souligné que les restrictions patronales courantes quant aux impératifs de la production limitent la possibilité de libérer des personnes occupant un même type d’emploi ou travaillant dans un même service. Les mesures visant à assurer la place des femmes Cette analyse a permis au comité d’identifier des mesures cohérentes visant à répondre aux obstacles identifiés. Il serait difficile d’énumérer toutes les mesures dans le temps qui nous est imparti. Je me permettrai toutefois de nommer les principales. Ces mesures se situent à tous les niveaux de la structure syndicale et même dans les milieux de travail, mais je m’attarderai à celles qui sont liées particulièrement au milieu syndical. La principale recommandation qui émane des travaux du comité sur l’accès à l’égalité est que la FTQ et les affiliés retiennent l’objectif quantitatif suivant pour évaluer la participation des femmes: "Que la représentativité équitable des femmes dans nos structures et activités syndicales soit évaluée en proportion de leur nombre dans le membership de la structure concernée." Pour atteindre cet objectif général de participation des femmes à tous les niveaux de l’activité syndicale, le comité a suggéré aux affiliés et proposé à la FTQ des mesures particulières pour contrer les obstacles qui ont été identifiés dans le rapport. Mentionnons, en autres, les suivantes: — Revoir les statuts et règlements de nos structures syndicales ou les exigences informelles pour y déceler les obstacles possibles qui peuvent entraîner une discrimination systémique envers les femmes (ex: exigence d’un métier ou d’un secteur d’activité). Les obstacles du milieu syndical Dans cette catégorie deux aspects ont été identifiés: les exigences pour accéder à des postes syndicaux et les conditions d’exercice du travail syndical. Les conditions, formelles et informelles, pour accéder à des postes syndicaux varient selon les syndicats, les niveaux de structure, et peuvent même être différentes pour les postes élus ou salariés. Mais, pour l’ensemble des personnes rencontrées, il a été mentionné que pour progresser dans les structures il faut avoir une bonne expérience syndicale. Or, le cheminement pour acquérir cette expérience, pour accéder à des postes syndicaux, implique d’abord et avant tout une grande disponibilité, la possibilité de concilier vie au travail, vie syndicale et responsabilités familiales et domestiques. Cela est particulièrement difficile pour 33 pouvoir. Elles ne veulent pas du pouvoir qui équivaut à la domination, car ce pouvoir ne signifie rien pour elles. Ce qu’elles veulent, fondamentalement, c’est se situer en position d’influencer non seulement les décisions qui les concernent directement mais aussi celles qui touchent la société en général, les problèmes économiques, politiques, sociaux... Enfin tout ce qui a un impact sur la vie. Exercer le pouvoir équivaut donc à influencer les prises de décision en participant à des colloques et des congrès, en siégeant sur des comités, en fonction d’un idéal ou d’idéaux. Exercer le pouvoir équivaut à instaurer nos propres valeurs, à changer le monde... plutôt que de vouloir simplement devenir les égales des hommes. Les femmes pensent rarement au pouvoir pour le pouvoir et ne veulent surtout pas être assimilées à l’univers masculin. Pour vouloir le pouvoir, il doit y avoir des objectifs à atteindre. Autrement, cela ne veut rien dire et surtout cela n’en vaut pas la peine. En somme, il s’agit d’une double tâche, si vous me permettez l’expression: redéfinir le pouvoir en même temps que l’exercer. Tout un défi puisque nous avons souvent à nous confronter à la façon dont plusieurs hommes exercent le pouvoir. Dans un milieu comme dans un autre nous devons travailler avec des hommes qui ont pris l’habitude d’exercer le pouvoir d’une certaine manière et qui, il fallait, s’y attendre, ne comprennent pas la nôtre. À tel point que nous avons parfois l’impression qu’ils considèrent que nous n’avons pas vraiment de leadership. Enfin, dans un milieu comme dans un autre, nous devrons déployer tous nos efforts pour accroître notre nombre, car la tâche, quand nous sommes peu nombreuses, est très difficile. Nous devons sans cesse faire preuve de performance face aux hommes, nos actions sont scrutées à la loupe tant par les femmes que par les hommes, nous sommes souvent étiquetées de "féministes" de façon péjorative. Bref, tant que nous serons en petit nombre, ce travail restera solitaire et il risque d’essouffler celles qui sont déjà en position d’influencer le pouvoir. — S’assurer que la participation des femmes dans les structures syndicales ne soit pas ghettoïsée et que des femmes soient intégrées dans tous les dossiers. — Intégrer dans toutes les activités syndicales la dimension de la condition féminine. — Faciliter aux femmes qui participent actuellement dans les structures ou qui le feront dans le futur les activités de représentation de la FTQ et ses affiliés dans diverses manifestations publiques internes au mouvement syndical ou externes. Voilà donc quelques-unes des mesures proposées. Une chose est certaine: pour contrer les obstacles identifiés et pour obtenir les résultats attendus, nous devrons travailler sur tous les fronts. Les défis des femmes : des syndicats à la société en général Lorsqu’on m’a demandé de vous présenter les résultats de l’étude de la FTQ, on m’a également demandé de répondre à la question suivante: sur le plan de la participation effective et de l’obtention des postes de leadership, les défis des femmes à l’intérieur du mouvement syndical se comparent-ils à ceux des femmes dans la société en général? Personne ne vit en vase clos. Les femmes, autant que les hommes, vivent leur participation (ou non participation) syndicale tout en ayant à composer avec les caractéristiques particulières de la société dans son ensemble et des milieux de travail en particulier. D’ailleurs, nous l’avons vu au chapitre des obstacles, plusieurs éléments de ces milieux plus globaux ont des incidences réelles, directes ou indirectes, sur la participation des femmes dans nos structures syndicales. De plus, je vous dirais qu’on retrouve à l’intérieur du mouvement syndical, à peu près tout ce qu’on trouve dans la société en général, y compris les préjugés à l’égard du rôle, de la place et des compétences des femmes. On pourrait penser qu’ils sont moins tenaces, à l’intérieur d’un milieu où la défense des droits, la justice, l’équité constituent les bases du militantisme. Bien évidemment, il est impossible d’évaluer le degré d’enracinement des préjugés. Toutefois, une chose est certaine, nous retrouvons à l’intérieur du milieu syndical les mêmes hommes que ceux que nous rencontrons dans la société en général... éduqués de la même manière et conditionnés aux mêmes valeurs. Le milieu syndical, de par sa nature, a permis aux uns d’évoluer plus rapidement mais, je pense, oblige les autres, ceux qui ont encore des préjugés, à être plus subtils. Cette dernière facette de la réalité constitue un problème puisque dans ces cas-là, nous arrivons difficilement à identifier adéquatement le problème. Le contexte de lutte est peut-être différent mais le défi de surmonter les obstacles qui nous barrent les voies d’accès au leadership est le même. Que ce soit en milieu syndical ou dans la société en général, il me semble que les femmes ont un autre défi à relever, soit celui de redéfinir le Conclusion Parce que le mouvement syndical est une organisation démocratique qui vise la participation pleine et entière des travailleurs et travailleuses à l’élaboration et l’amélioration de leurs conditions de travail et de leurs conditions de vie, il est essentiel que tous les membres, hommes et femmes, y trouvent des conditions d’exercice de leur militantisme qui facilitent leur participation active... pour, entre autres, une prise en charge des revendications spécifiques de tous les groupes. Le travail de la FTQ en matière d’accès à l’égalité contribuera, sans l’ombre d’un doute, à l’atteinte de cet objectif et à l’abolition des obstacles dont je vous ai fait part. Le mouvement syndical ne s’en portera que mieux... et la société aussi. 34 TABLE RONDE - LES FEMMES ET LES SYNDICA TS : LES DÉFIS À RELEVER Peggy Nash Adjointe au président Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole du Canada Introduction Je veux être bien comprise dès le début sur une question: lorsque nous parlons des avantages acquis par le biais de la négociation collective, nous devons accepter le fait qu’un avantage ne bénéficie pas également à tous et à toutes. Ce que nous obtenons pour certains groupes, nous ne pouvons pas toujours l’obtenir pour d’autres. Néanmoins, lorsque notre pouvoir de négociation est grand et lorsque nous sommes engagés, nous pouvons progresser. Environ 90 % de nos membres jouissent d’une indemnité de vie chère (IVC). Par contre, certains de nos membres dans certains établissements, en majorité des femmes, ne gagnent que 8 $ l’heure, ont peu d’avantages et, dans bien des cas, n’ont aucun régime de pension. Bref, bien que des progrès aient été réalisés, ils ne se manifestent pas également partout. Merci consoeur présidente. Bonjour consoeurs et confrères. C’est encourageant de voir un si grand nombre de femmes syndiquées rassemblées ici aujourd’hui et de constater que les femmes sont de plus en plus nombreuses à demander l’occasion de se réunir pour élaborer des stratégies en prévision de l’avenir. Le Bureau de la femme du CTC mérite des félicitations pour avoir accueilli à sa conférence un si grand nombre de femmes activistes des sections locales du Canada. Il n’y a rien de mieux que la détermination et l’appui d’un groupe nombreux pour donner un regain d’énergie. Aujourd’hui, je mettrai l’accent sur la négociation de programmes et de mesures d’accès à l’égalité, qu’on appelle aussi l’action positive. Je vous donnerai un aperçu des moyens qu’ont utilisé les TCA pour inscrire l’action positive à leur horaire de négociation. Je vous parlerai aussi de ce que nous avons réalisé à la table de négociation et comment nous envisageons relever les défis qui se présenteront à nous. I O L’action positive Comment notre syndicat en est-il venu à inscrire l’action positive à son programme? L’action positive, c’est toute la gamme de questions portant sur l’égalité et les obstacles à l’égalité en milieu de travail, à savoir l’égalité d’accès à l’emploi, aux programmes de formation et aux promotions ainsi que l’égalité de traitement. L’action positive, c’est aussi un moyen d’éliminer les obstacles à l’égalité au sein de notre propre syndicat. Les efforts en vue de mettre sur pied un programme d’action positive se sont échelonnés sur plusieurs années et ont pris de l’ampleur vers la fin des années 1970 pour s’intensifier au cours des années 1980. Ce phénomène est dû au nombreux facteurs que voici: • Le mouvement féminin est devenu progressivement actif et s’est fait de plus en plus entendre au sein de la société et du mouvement syndical; il a joué un rôle important. Le Comité de la femme de la Fédération du travail de l’Ontario, comité militant et énergique, a tenu des conférences et a offert des ateliers de formation pour aider les femmes à s’organiser. • Des permanentes syndicales de notre syndicat, et soit dit en passant que notre syndicat ne comptait que quelques permanentes syndicales à ce moment-là, se sont faites les porte-parole des Notre syndicat Le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole du Canada (TCA) regroupe quelque 160 000 membres, dont environ 32 000, soit 18 %, sont des femmes. Il est dirigé en grande partie par des hommes, bien que le pourcentage des femmes augmente régulièrement depuis les dernières années. Le TCA est constitué de diverses unités de négociation nationales relevant de la compétence fédérale, notamment le personnel des lignes aériennes, en grande partie des femmes qui travaillent dans toutes les grandes villes canadiennes. Nous négocions aussi au nom des travailleurs et travailleuses de l’industrie de la pêche de la région de l’Atlantique, des télécommunications dans quelques provinces, et de plusieurs industries qui embauchent principalement des hommes, dont l’industrie de l’aérospatiale et l’industrie de l’automobile qui comprend les chaînes de montage et la fabrication de pièces. Nous négocions dans presque toutes les juridictions du Canada. 35 patronale d’inclure des dispositions portant sur l’égalité dans la convention collective. General Motors, à cette époque-là, voyait dans les programmes d’action positive l’occasion de se faire une réputation favorable en tant qu’entreprise, sans fondamentalement modifier ses pratiques de dotation en personnel. Nous avons soumis la question des quotas de recrutement à la table de négociation, et inutile de dire que GM n’a pas voulu en entendre parler. Le libellé exigeait la formation de comités d’action positive syndicaux-patronaux dans tous les établissements de GM et la présence d’au moins une femme au sein de ce comité mixte à titre de représentante syndicale. Notre objectif était de cerner les obstacles au plein accès à l’égalité en matière d’emploi et de chercher à les éliminer. Le libellé visait quatre groupes, notamment les femmes, les minorités visibles, les autochtones et les personnes handicapées. Au début, nous avons concentré nos efforts sur les femmes, et par la suite nous nous sommes graduellement intéressées aux autres groupes cibles. Il était clair que les femmes, de par leur nombre seulement, profitaient davantage des programmes, mais nous ne pouvions fermer les yeux sur les injustices faites aux autres groupes. Nous avions le devoir de défendre les droits de toutes les minorités. Dans presque tous les établissements de GM, les représentantes et représentants syndicaux devaient travailler environ 12 heures par jour pour s’acquitter de leurs tâches. Le syndicat a élaboré et mis en oeuvre un programme de formation en matière d’accès à l’égalité à l’intention des comités mixtes. Présentement, un comité directeur formé de deux permanentes ou permanents syndicaux nationaux et de deux représentants ou représentantes du siège social de GM dirige toutes les activités et mesures de rattrapage. Nos membres du comité mixte se sont dévoués coeur et âme pour assurer le bon fonctionnement du programme et ont fini par plus ou moins se rendre maître du programme. Ils ont alors décidé de prendre les mesures suivantes pour enrayer les obstacles à l’égalité: • Ils ont fait des exposés dans les écoles publiques sur les emplois non-traditionnels. • Ils ont exercé des pressions pour que les personnes des groupes cibles soient embauchées lorsqu’il y avait des offres d’emploi. • Ils ont effectué des enquêtes concernant les services de garde d’enfants afin de déterminer les besoins. • Ils ont élaboré des cours préparatoires à la formation par apprentissage pour aider les femmes sur la scène politique et elles se sont exprimées de façon énergique. Elles ont aussi, par leur simple présence, stimulé les attentes de nos membres. Ces femmes ont travaillé étroitement avec l’ensemble du mouvement féminin et elles ont vu à ce que les questions concernant l’égalité fassent partie du programme. • Une disposition prévoyant la formation de comités de femmes au sein des syndicats locaux faisait partie de nos Statuts depuis les années 1960. Au début des années 1970, nous avons formé le Comité de la femme rattaché au Conseil national. Ce comité est chargé de s’occuper de la question des droits des femmes aux réunions trimestrielles du conseil qui réunit quelque 350 dirigeants et dirigeantes des syndicats locaux trois fois par année. Nous tenons également une conférence annuelle des femmes, et lorsque tous les comités locaux de femmes ont commencé à y participer, ils sont devenus une véritable force politique au sein des syndicats. • Les femmes ont mené des grèves importantes qui ont incité tant les hommes que les femmes à appuyer la cause de l’égalité au travail. En 1978, par exemple, les employées de Fleck Manufacturing, usine de fabrication de pièces d’automobiles située près de London en Ontario, ont tenu tête à l’employeur et ont fait face à la force policière pour obtenir le droit de se syndiquer. • Enfin, nous avons eu la chance d’avoir des dirigeants et dirigeantes progressistes qui ont prêté oreille à nos demandes, tant au sein des syndicats qu’ailleurs, et nous avons eu la perspicacité d’initier le changement au lieu de nous y opposer. En 1970, nous avons établi un bureau de la femme chargé de coordonner les activités visant à promouvoir l’égalité des femmes. Le bureau de la femme tait maintenant partie du bureau du président de notre syndicat. Vers le milieu des années 1980, nous avons modifié nos Statuts pour y inclure une disposition exigeant que notre conseil exécutif et notre conseil de direction national comptent au moins une femme. Négocier un programme d’accès à l’égalité avec les Trois Grands de l’automobile En 1984, l’accès à l’égalité figurait à notre programme de négociation, lequel avait été adopté officiellement au congrès de négociation de cette même année. Le représentant syndical national de l’unité de General Motors était engagé dans la poursuite de l’accès à l’égalité et lorsqu’il a négocié avec GM cette année-là, il a réussi à convaincre l’équipe 36 candidats et candidates à réussir l’examen d’admission aux programmes de formation. • Ils ont pris des mesures, tant sur le plan de la diffusion de l’information que du recrutement, pour entrer en relation avec le réseau d’organismes communautaires formés de divers groupes comme ceux des femmes, des autochtones et autres, pour les renseigner sur les emplois disponibles dans l’industrie de l’automobile. Bref, bien qu’au début nous ayons mis les femmes au premier plan, nous n’avons pas tardé à nous intéresser à tous les groupes victimes d’injustice. Malheureusement, les mesures énumérées, et bien d’autres, n’ont eu qu’un faible impact sur la dotation en personnel. sur pied un service de garde à domicile selon lequel des personnes qualifiées se rendront dans les familles pour assurer la garde de trois enfants en moyenne. Lors des négociations de 1990, les Trois Grands ont consenti à doubler le financement qu’ils nous accordaient. Une telle somme constitue une réserve pour nos projets d’avenir dans le domaine des services de garde d’enfants. Évidemment, nous ne pouvons ouvrir des garderies dans toutes les localités où nous avons des membres. Jusqu’ici, nos efforts n’ont fait qu’une brèche minime dans l’ensemble des besoins en services de garde de qualité à prix abordable. Nous faisons toujours face à un besoin social pressant, et les gouvernements à tous les paliers doivent s’engager à nous offrir des programmes sociaux. Un engagement s’impose si nous voulons que la question se règle. Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons laisser les entreprises s’en tirer à trop bon marché. Nous devons continuer à revendiquer des programmes de garde d’enfants, et d’autres programmes, à la table de négociation, même si nous savons que ce n’est pas la négociation collective qui nous procurera les solutions souhaitées, mais plutôt les débats qui mèneront à des mesures législatives et à l’adoption de lois. Programme de service de garde d’enfants — 1987 L’accès restreint aux services de garde d’enfants a maintes et maintes fois été reconnu comme l’un des principaux obstacles que doivent surmonter les femmes, particulièrement les femmes qui font un travail posté. Nous avons négocié le financement des services de garde d’enfants pour la première fois en 1983, dans un atelier de sellerie de Stratford en Ontario. En 1987, nous avons perçu un besoin pressant d’apporter des améliorations dans les établissements de la société Chrysler dans le domaine des services de garde d’enfants. La société voulait poursuivre ses enquêtes et a même offert au syndicat de mettre sur pied un service de renvoi en matière de garde d’enfants. Nous en avions assez des enquêtes, et nous savions qu’un service de renvoi ne réglerait pas le problème du manque de place dans les garderies. À cette époque-là, nous n’avions pas de plan précis quant à l’avenir des programmes, mais nous savions que le financement était essentiel. Nous avons donc négocié une formule de financement selon laquelle un cent (1 C) l’heure par employé serait versé dans un fonds réservé aux programmes de garde d’enfants. Un tel fonds dans les établissements des Trois Grands générerait un million et demi de dollars sur une période de trois ans, soit la durée de la convention collective. Par la suite, nous avons obtenu des fonds du gouvernement provincial pour défrayer le coût des services du spécialiste qui nous aiderait à élaborer notre programme. Nous avons décidé de mettre une garderie sur pied dans la ville de Windsor à titre de programme-pilote. La garderie des TCA a ouvert ses portes cette année. Il s’agit d’une garderie-pilote qui peut accueillir 60 enfants de cette ville. La garderie est dotée d’un personnel très bien qualifié et bien rémunéré. Pour répondre aux besoins d’un effectif qui fait un travail posté, la garderie est ouverte de 6 h à 2 h, soit 20 heures par jour. Nous sommes également sur le point de mettre Les droits de la personne De l’avis des syndicats, le harcèlement et les lieux de travail déhumanisés dans le secteur industriel sont deux importants obstacles à l’égalité. En 1987, les TUA et GM ont négocié une disposition prévoyant des séances de formation sur les droits de la personne. Aux termes de cette disposition, les employeurs sont tenus d’accorder à tous les membres du syndicat le temps requis pendant les heures de travail pour assister à une séance de formation de trois heures. Nous sommes aux prises avec GM quant au contenu de ce programme depuis trois ans, mais la question devrait se régler sous peu. Ce genre de formation devrait nous aider à faire un grand pas vers l’humanisation des lieux de travail et devrait donner lieu à un changement d’attitudes dans l’ensemble de la société. Nous sommes conscients de cette réalité en tant que syndicalistes, mais nous ne pouvions attendre que le changement d’attitudes se produise pour garantir aux travailleurs et aux travailleuses la protection contre le harcèlement au travail. Par conséquent, en 1988, notre syndicat a mis en oeuvre un programme de lutte contre le harcèlement dans l’ensemble du syndicat et dans tous les établissements. Ce programme a pour but de combattre toutes les formes de harcèlement, particulièrement le harcèlement sexuel et racial. Aux termes de ce 37 participer à nos programmes de formation et à se porter candidates aux postes de direction, le nombre de personnes des groupes cibles occupant des postes de direction du palier local confirme que nous avons encore bien du chemin à faire. Même si nous savons que la proportion augmentera avec le temps, nous savons aussi que ce n’est pas le temps à lui seul qui redressera la situation. Nous devons nous pencher sur ce problème en tant que syndicat. Bien sûr, nous ne travaillons pas dans un vide social. Au cours de la période dont je vous ai parlé, le gouvernement conservateur a fait de nombreuses coupures dans nos programmes sociaux fédéraux. En outre, les politiques de libre-échange, de privatisation et de déréglementation ont entraîné une restructuration massive de notre économie. Qui plus est, les politiques qui maintiennent les taux d’intérêt élevés et la forte valeur du dollar ont précipité l’économie canadienne dans une chute vertigineuse. Ce sont les femmes qui sont le plus durement touchées, dans tous les secteurs et dans toutes les régions. On supprime les emplois bien rémunérés qu’elles occupent, et elles sont réintégrées dans le secteur de l’économie qui comporte principalement des postes non syndiqués et mal rémunérés. Il y a toutefois une lueur d’espoir. En Ontario et au Yukon, nous pouvons compter sur l’aide du NPD pour réaliser nos objectifs. Nous espérons que d’autres provinces suivront l’exemple de l’Ontario et du Yukon et éliront un gouvernement néo­ démocrate. Sur la scène fédérale, il se pourrait fort bien que notre conférencière invitée de ce matin devienne notre prochain premier ministre. Enfin, si nous sommes sérieusement engagées dans la cause de l’égalité au travail, nous devons nous acquitter de notre obligation à la table de négociation. Le TCA doit poursuivre sa marche en avant et frayer la voie aux membres des établissements des Trois Grands de sorte que les avantages acquis s’étendent à l’ensemble de l’effectif syndical. Il se peut que des dirigeantes et dirigeants syndicaux soutiennent que la revendication de programmes d’accès à l’égalité ou de garde d’enfants à la table de négociation ne mène à rien, et qu’il faut plutôt exercer des pressions pour que des lois soient adoptées. Il s’agit là d’une excuse facile qui les fait paraître progressistes sans qu’ils n’aient à s’engager. En tant que syndicalistes, nous pouvons avoir la conscience tranquille et affirmer que la réponse réside dans les mesures législatives seulement si, au fil des années, nous avons inclus l’accès à l’égalité à notre programme d’action et nous nous sommes sérieusement engagés à réaliser nos objectifs. programme, il incombe aux dirigeantes et dirigeants syndicaux locaux de participer activement à l’enquête et au règlement des plaintes. En fait, le règlement des plaintes aux termes du programme de lutte contre le harcèlement est satisfaisant. Qui plus est, parce que nous avons fait beaucoup de publicité auprès de nos membres, le programme exerce un effet de dissuasion. III Quotas de recrutement En dépit de toutes nos mesures de rattrapage, la situation n’a pas changé très rapidement. L’industrie de l’automobile a connu un essor vers la fin des années 1980, et de nombreuses personnes furent embauchées, mais malheureusement pas parmi les groupes cibles. Une chose était claire: toutes les bonnes intentions du monde ne suffisaient pas à remplacer les quotas de recrutement. Ces quotas devaient s’ajouter aux autres mesures de redressement. Cette année, les quotas de recrutement ainsi que des échéances ou des délais d’exécution, ont été inscrits à notre programme de négociation avec Ford. Nous avons catégoriquement soutenu que les efforts volontaires ne suffisent pas. Notre objectif est d’arriver à une représentation proportionnelle de l’ensemble de la population au sein de la main-d’oeuvre en tenant compte des groupes cibles. Nous avons demandé d’avoir régulièrement accès aux données de l’entreprise pour être en mesure de nous assurer que les quotas de recrutement sont respectés. L’employeur a considéré notre demande comme une atteinte à ses droits et une entrave à ses politiques de dotation en personnel. Il s’est farouchement opposé aux quotas de recrutement, et la question est demeurée sur la table même après le déclenchement de la grève contre Ford. L’employeur nous a tenu tête, et nous n’avons pas réussi à négocier quoi que ce soit en 1990 en matière de quotas. L’employeur a toutefois consenti à remettre au comité mixte des mises à jour régulières sur les données pour qu’il soit en mesure de faire l’examen de la situation. Ainsi, nous avons réussi à réduire partiellement le droit exclusif de l’employeur quant aux pratiques d’embauche. Nous reviendrons à la charge en 1993. Conclusion Un regard rétrospectif sur la situation nous permet de constater que nous avons fait du chemin, et nous devrions en être fières. Cependant, un regard vers l’avenir nous laisse entrevoir une tâche un peu décourageante. Bien que nous ayons cherché à encourager les femmes et les personnes des minorités visibles à 38 Judy Rebick Présidente Comité canadien d’action sur le statut de la femme Merci! C’est aujourd’hui un peu intimidant de se faire ovationner avant même de commencer: on se sent obligé de faire un discours exceptionnel. En plus, je n’aime pas vraiment prononcer le dernier discours à une conférence de la femme, car la sagesse collective des femmes qui parlent avant vous rend le dernier discours plus ou moins superflu. D’ailleurs, la discussion de ce matin, plus que tout, résume ce que signifie "les femmes, la protestation et le pouvoir". C’est en partie pouvoir exprimer sa colère, ce qu’on nous donne rarement la permission de faire, et l’exprimer de façon constructive plutôt que destructive, c’est-à-dire d’une façon qui nous permette de sentir qu’elle est justifiée, qui nous aide à lutter pour changer ce qui l’a provoquée et qui fasse comprendre à nos confrères et à bien d’autres pourquoi des changements s’imposent. Pour ce faire, nous devons exprimer nos sentiments, notre colère et nos craintes. Nous devons aussi donner libre cours à nos larmes lorsque nous sommes émues. C’est quelque chose que nous pouvons enseigner au reste du monde et que nous devons continuer à faire. J’aimerais vous parler de la dernière conférence sur la condition féminine du CTC, car j’ai l’impression d’y avoir assisté même si je n’y étais pas de corps. Comme l’a mentionné Nancy, je gelais devant la clinique Morgentaler à Toronto. Nancy attendait mon appel, car j’avais promis de lui téléphoner dès que j’aurais des nouvelles concernant la décision. Je devrais d’abord vous dire ce à quoi nous nous attendions. En fait, nous nous attendions à ce que la Cour suprême renverse la décision de la Cour d’appel portant sur la condamnation et, si elle le faisait, qu’elle invoque peut-être l’inégalité d’accès à l’avortement pour justifier sa décision. De toute façon, j’étais dehors devant la clinique lorsqu’une journaliste est venue me demander si j’avais entendu la dernière nouvelle. Lorsque j’ai répondu non, elle m’a dit: "La Cours suprême vient de renverser la décision et affirme que les femmes ont le droit d’être maître de leur corps." Incrédule, je lui ai demandé, "Qui vous l’a dit? Êtes-vous absolument certaine?" Ce à quoi elle m’a répondu, "Je l’ai lu au sans fil, mais je ne suis pas certaine." Je n’étais pas plus certaine qu’elle, alors je n’ai rient dit à personne. Puis, nous avons reçu un appel et, en effet, la Cour suprême venait de statuer à la majorité que les femmes ont le droit d’être maître de leur propre corps. Vous auriez dû me voir crier et applaudir, ma ridicule petite tuque sur la tête. Je me souviens d’avoir téléphoné à la conférence de la femme du CTC et d’avoir parlé à quelqu’un, à Nancy ou à Linda, et on m’a décrit la scène: on s’embrasse, on se serre les unes les autres, on pleure et on hurle de joie. À ce moment-là j’ai senti à quel point la solidarité féminine peut être forte. Nous avons senti le pouvoir des femmes ce jour-là, comme jamais auparavant. Je pense à une autre situation plus récente où nous avons senti notre pouvoir. Des femmes de Terre-Neuve se sont rendues au bureau du Secrétariat d’État qu’elles ont occupé 24 heures par jour pendant sept jours. Certaines n’avaient jamais posé un tel geste de leur vie, mais il y avait parmi le groupe des femmes du mouvement féminin et du mouvement syndical, des consoeurs qui leur ont montré comment faire, car ce n’était pas la première fois qu’elles prenaient une telle mesure. Ensemble, ces femmes ont allumé chez de nombreuses autres femmes partout au Canada le désir de s’affirmer et de défendre leurs droits. "Nous en avons assez, ontelles affirmé, nous allons nous aussi occuper des lieux stratégiques, même si on nous accuse de ramener le pays aux années 60. Nous allons lutter pour obtenir le financement des programmes qu’on nous a enlevé." Et c’est ce que nous avons fait. La dernière fois que j’ai ressenti cette énergie, il n’y avait pas que des femmes. Je participais à un ralliement d’un groupe d’Autochtones au Manitoba. C’était, en fait, la veille de l’échec de l’Accord du lac Meech. Ce que j’ai ressenti ce jour-là, c’était aussi du pouvoir. J’étais avec des Autochtones du Manitoba qui étaient solidaires d’Elijah Harper et qui disaient, "Nous ne laisserons personne nous écraser une autre fois, peu importe les conséquences. Au nommer une femme qui exerce un pouvoir patriarcal, donc une femme capable de perpétuer ce pouvoir, un pouvoir opprimant. Et ils y arrivent. Prenez par exemple Barbara McDougall, Mary Collins et Kim Campbell. Une campagne d’envergure vise à nous convaincre d’accepter ce genre de pouvoir. On nous parle du post-féminisme. Nous avons toutes entendu ce mot. "Féminisme", c’est le nouveau mot tabou. Pour ma part, je préfère le petit mot de Nancy qui commence avec un "F". Je ne sais pas si certaines d’entre vous ont eu l’occasion d’entendre le discours de Mary Collins. Elle nous demandait de changer nos tactiques, de renoncer à l’affrontement, d’être polies et de collaborer avec le ministre. Elle nous a dit que c’est ainsi que nous réaliserons nos objectifs. À la question qu’elle a posée pour l’effet, à savoir, "Que veulent les femmes?", elle a répondu par d’autres questions. "Ce que vous avez ne suffit pas? Que voulez-vous donc de plus?" Personnellement, j’ai une autre réponse à ces questions lorsqu’on me les pose à une émission causerie. Je réponds que nous voulons l’égalité, que nous voulons gagner le même salaire que les hommes alors que présentement nous ne gagnons que 65 % de leur salaire. Je réponds aussi que nous voulons avoir les mêmes chances qu’eux, que nous voulons notre proportion équitable de 51 %, des services de garde d’enfants et la fin de la violence faite aux femmes. "Oh, répond-on, il y a encore bien du travail a faire." En effet, et savezvous ce que nous voulons vraiment? Nous voulons un meilleur monde. Nous voulons transformer la notion du pouvoir, car il n’y a pas d’autre solution pour les femmes, les minorités, les personnes handicapées, les Autochtones, les homosexuels et les lesbiennes. Enfin, je soutiens que la seule façon de donner aux travailleurs et aux travailleuses un pouvoir véritable au sein de la société, ce n’est pas en les convainquant d’accéder au pouvoir patriarcal, mais plutôt en transformant la notion du pouvoir et ea luttant pour le partage du pouvoir, afin d’établir un pouvoir collectif, c’est-à-dire un pouvoir auquel nous participerons tous et toutes. Le syndicalisme nous enseigne la solidarité. Il nous fait aussi comprendre que tous ne sont pas de notre côté, et que nous devons savoir de quel côté nous ranger. La division des classes existe dans notre société, et le mouvement féminin a de la difficulté à l’accepter. Ce que le mouvement féminin peut enseigner au mouvement syndical, c’est la notion de la transformation et du partage du pouvoir. Comme l’a fait remarquer une de nos consoeurs, ce n’est pas facile, et c’est ce qui m’amène à vous parler du sens du risque que, je crois, nous devons avoir. Une façon d’acquérir du nom de nos enfants, nous revendiquons les droits des Autochtones du Canada". Je le répète, de concert avec Elijah Harper, nous ne laisserons personne nous écraser. Ce jour-là, je l’avoue, j’ai senti le pouvoir. Lorsque je pense à ces expériences, quatre aspects importants du pouvoir me viennent à l’esprit: le sens du risque, l’esprit d’initiative, l’aptitude à s’organiser et le sentiment de solidarité. Les paroles de "Solidarité mes soeurs" sont source d’inspiration: "Lorsque nous aurons compris l’immense force de l’unité, alors nous les travailleuses rien ne pourra nous arrêter. En restant désunies nous demeurerons toujours exploitées, mais ensemble nous vaincrons." J’irais même jusqu’à dire que ces vers nous aident à comprendre le sens véritable du pouvoir. Quoiqu’il en soit, j’ai récemment eu l’occasion de vivre une autre forme de pouvoir. En fait, il y a deux semaines, j’ai rencontré Michael Wilson, et j’ai une chose à vous avouer: ce n’est peut-être pas possible, mais ces hommes sont encore moins attrayants de près que de loin. Pire encore, le pouvoir que j’y ai vu est égocentré, agressif, opprimant, arrogant et antidémocratique. Nous refusons cette sorte de pouvoir. Il y a une tentative aujourd’hui de s’adresser au mouvement des femmes et de nous convaincre d’utiliser cette forme de pouvoir, un pouvoir soi-disant patriarcal. J’utilise le mot patriarcal; c’est un mot un peut abstrait ou théorique. Qu’est-ce qu’il veut dire? C’est, entre autre, le pouvoir d’un père de famille traditionnel. C’est le pouvoir de dire, "Fais ce que je veux ou fais face aux conséquences." C’est le pouvoir qu’a le patron de nous congédier. C’est le pouvoir qu’ont les hommes d’être violents et de nous faire violence. C’est le pouvoir qu’a le gouvernement conservateur de nous enlever ce que nous avons acquis. C’est le pouvoir patriarcal. Nous le refusons. Nous refusons d’acquérir du pouvoir sur le dos des autres plutôt que dans la solidarité et le partage. Nous sommes à la croisée des chemins dans l’évolution du mouvement féminin et, je crois, dans l’histoire du mouvement syndical. Certaines d’entre nous ont accès au pouvoir patriarcal, surtout des femmes blanches de la classe moyenne qui ont fait des études, et c’est parce que le mouvement féminin a réussi à convaincre ceux qui détiennent le pouvoir qu’ils doivent accepter quelques femmes dans leurs rangs, sinon ils perdront toute crédibilité et ils ne pourront conserver leur pouvoir. Si vous avez eu l’occasion de voir l’émission Report on Business, vous avez pu voir comment les femmes y étaient présentées. On a d’abord posé la question, "Comment accroître le nombre de femmes au sein du conseil d’administration?" La réponse: Y 40 pouvoir, c’est de ne pas avoir peur de dire la vérité. Bien sûr, la lutte pour l’égalité et pour l’acquisition de pouvoir présente un risque, car elle menace les personnes qui devront partager le pouvoir ou renoncer à la forme de pouvoir qu’elles détiennent. Je parle particulièrement des hommes de race blanche, et nombre d’entre eux ne sont pas prêts à accepter la nouvelle forme de pouvoir. Une telle idée les laisse mal à l’aise. Ils préfèrent l’état actuel des choses. Bien sûr que les hommes sont plus à l’aise avec le statu quo, et bon nombre de femmes aussi. Nous sommes ancrées dans nos habitudes. Par exemple, même si, comme l’a souligné Nancy, je ne pensais pas à mon maquillage lorsque je criais et hurlais de joie à la télé, je me suis sentie pas mal ridicule lorsque je me suis vue au réseau national, fichue comme l’as de pique. Nous avons toutes du chemin à faire dans ce domaine, n’est-ce pas? Le changement est aussi cause de conflit, et non seulement pour ceux que nous combattons. En passant, je vous ai réservé une mention honorifique que nous avons le plaisir de partager. J’ai lu dans le Globe and Mail que de tous les groupes auxquels les conservateurs ont affaire, ils détestent le plus avoir à transiger avec le CTC et le CCA. J’aimerais aussi vous lire une citation de Martin Luther King. En 1963, il s’adressait ainsi à un groupe d’ecclésiastiques qui se déclaraient solidaires de ses objectifs, mais qui qualifiaient l’infraction à la loi et l’appui des objectifs, peu sages et prématurés. Sa réponse mérite d’être retenue, et je cite: "Le plus grand obstacle des Noirs dans leur marche vers la liberté, ce n’est pas le conseil des citoyens de race blanche ni même le Ku Klux Klan, mais bien les Blancs modérés qui sont plus engagés à assurer l’ordre qu’à lutter pour la justice. Ils préfèrent une paix négative, qui est l’absence d’attention, à une paix positive qui assure la justice." Nous nous heurtons à des armes idéologiques puissantes. Bien souvent lorsque je prononce un discours, pas devant un auditoire comme celui-ci, mais devant des étudiantes et des étudiants par exemple, les trois-quarts de mes efforts visent à combattre les mythes qui perpétuent l’oppression. Même entre nous, ces difficultés existent. Lorsqu’une consoeur de couleur prend la parole pour nous dire, "Nous savons que vous pouvez lutter pour ce que veulent les femmes blanches, mais pourquoi ne luttez-vous pas aussi fort pour ce que nous voulons?" Nous devons y réfléchir. En tant que femmes blanches du mouvement syndical, nous avons un pouvoir qui est difficile à accepter. Personnellement, je trouve qu’il est difficile à accepter. J’ai horreur qu’on qualifie le CCA de groupe populaire de femmes. C’est vrai, nous avons du pouvoir. J’ai accès aux médias, alors que la présidente de l’Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada n’y a pas cet accès. Nous avons du pouvoir et nous devons apprendre à le partager en demeurant à l’écoute de nos consoeurs de couleur. Lorsque Lois, notre consoeur autochtone, prend la parole pour nous dire qu’elle va se mettre en colère si nous ne nous mettons pas sérieusement au travail et qu’elle n’y ira pas par quatre chemins pour nous dire ce qu’elle pense, nous écoutons et nous acceptons sa colère, car nous savons qu’elle est bienfondée. Ce n’est pas facile. C’est même douloureux, mais nous devons nous engager à réaliser ce changement. C’est ainsi que nous nous approchons peu à peu du pouvoir collectif. Nous écoutons les personnes qui ont moins de pouvoir que nous et nous nous engageons à combattre le racisme et à obtenir ce qu’elles revendiquent. Enfin, nous revendiquons toute la même chose, et c’est ainsi que nous réalisons l’unité. C’est ça l’unité! À l’heure actuelle, nous faisons face à un autre ennemi. Dans les années 60, les choses étaient claires. La force de l’ordre arrivait avec ses matraques et tabassait les manifestants, mais on s’y attendait. C’était aussi l’époque où les hommes disaient, "La place des femmes, c’est à la maison. Qu’est-ce que vous faites ici, bande de criardes. Qu’est-ce que vous avez à gueuler?" Nous savions à quoi nous attendre. Aujourd’hui, par contre, le Premier ministre n’hésite pas à dire, "Je suis pour l’égalité. Nous nous engageons à assurer l’égalité." Il ne faudrait pas non plus oublier Mary Collins qui prend la parole aux conférences pour parler de l’égalité des femmes et de la lutte contre la violence. C’est facile d’être confuses face à toutes ces belles paroles sur l’égalité, car si nous sommes tous et toutes d’accord, comment se fait-il que nous luttions encore? Nous devons voir clair dans ces propos trompeurs. Nous devons bien comprendre que les politiques adoptées par le gouvernement conservateur sont loin de favoriser les femmes, les minorités visibles, les autochtones, les travailleurs et les travailleuses. En fait, le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour garantir et accroître le pouvoir de l’élite, pour empêcher quiconque d’acquérir du pouvoir et pour détruire notre pouvoir collectif. Voilà l’objectif du gouvernement. Bien sûr que la confusion alimente notre sentiment d’impuissance, mais il y a un autre aspect de l’impuissance à comprendre. C’est la violence faite aux femmes. Rien ne rend les femmes plus impuissantes que la violence. Si vous parlez à une femme qui a été violentée, vous le comprendrez. En fait, j’irais jusqu’à dire que la plupart des femmes ici présentes, sinon toutes, ont été un jour victimes de 41 violentées que de victimes de guerre. Il importe que la société le reconnaisse, et si le gouvernement refuse de le faire, nous le ferons en tant que femmes. Nous instituerons le Jour du souvenir des femmes que nous observerons le 6 décembre de chaque année. Nous nous organiserons en conséquence. Nous joindrons nos efforts à ceux de nos consoeurs du mouvement syndical et des campus universitaires, d’un bout à l’autre du Canada. Nous organiserons des vigiles, des discussions, des conférences, des expositions d’art et des spectacles. Un mouvement est déjà amorcé. C’est incroyable de voir tout ce qui produit, partout au Canada, pour aider les femmes et les hommes à dire non à la violence faite aux femmes. Il y a un autre aspect au risque, et c’est le risque d’un contrecoup. Vous avez beaucoup parlé du contrecoup, et je ne crois pas qu’il soit nécessaire que j’en parle davantage. J’aimerais néanmoins ajouter, d’abord, qu’il y a toujours eu un contrecoup au féminisme, du droit de vote à aujourd’hui. Il y a toujours eu un contrecoup: les hommes ont toujours résisté au changement. Ce n’est rien de nouveau. Ne laissez pas les hommes vous dire qu’aujourd’hui ce n’est pas pareil. J’aimerais aussi ajouter que tout mouvement social, qu’il s’agisse du mouvement syndical, du mouvement féminin ou de l’ANC en Afrique du Sud, particulièrement tout mouvement social qui mène à bien sa lutte pour le changement provoque un contrecoup. C’est le phénomène de la polarisation. C’est ainsi que le changement se produit. Ce serait agréable si c’était autrement. Ce serait facile si, lorsqu’on disait que quelque chose ne va pas, tout le monde était unanime pour le confirmer et pour accepter de faire un changement. Malheureusement, il n’en est pas ainsi. Vous le savez, en tant que femmes syndiquées. Quiconque a fait la grève le sait. Quiconque a pris part à une manifestation le sait aussi. Quiconque a lutté pour obtenir quelque chose, tant dans sa vie personnelle que pour la collectivité, sait qu’il n’y a pas de changement sans combat. Et le combat entraîne la polarisation. C’est un fait, malheureusement. Un jour, nous l’espérons, lorsque nous aurons transformé la notion du pouvoir, nous pourrons changer les choses. Lorsque nous serons collectivement au pouvoir, nous espérons être à l’écoute et être en mesure de réparer les injustices. Nous n’en sommes pas encore arrivés à ce point-là dans notre société d’aujourd’hui. Il s’ensuit que nous faisons constamment face au risque de la polarisation, et c’est angoissant. Les groupes anti­ choix, par exemple, inspirent la crainte, et nous nous laissons intimider par eux. Nous nous laissons souvent intimider. Nous en venons même à croire que ces personnes ont plus de pouvoir qu’elles n’en violence sous une forme ou une autre. La violence inspire la peur, la solitude et l’impuissance, et la seule façon de se débarrasser de ces sentiments, c’est d’en parler et de nous organiser pour lutter ensemble contre toute forme de violence. Nous devons la dénoncer, qu’elle se produise sur les lieux du travail, sur le campus ou n’importe où ailleurs dans la société. Nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas d’un problème personnel. Si un homme perd la tête et bat ou tue sa femme, ce n’est pas une aberration que nous devons taire. Nous devons aborder ensemble le problème. Qu’il s’agisse d’un tour ou d’une farce sexiste sur le campus, d’une affiche sexiste au mur de l’usine, d’un sifflement sur la rue, de harcèlement, d’intimidation de la part d’un conjoint, d’un viol par une connaissance, de violence conjugale, d’un meurtre ou d’un massacre, la source est la même: l’exercice du pouvoir d’un homme sur une femme. Je ne veux pas dire pour autant que tous les hommes sont méchants ou violents et que tous les hommes haïssent les femmes. Il n’en est pas ainsi. Il s’agit plutôt de reconnaître l’inégalité qui existe dans les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes et de voir les effets de la violence, du harcèlement et du sexisme sur les femmes. Il s’agit aussi de comprendre comment nous en tant que femmes, et les hommes en tant qu’hommes, pouvons dire franchement ce que nous pensons et prendre des mesures pour mettre fin à la violence. C’est ce qui importe. Nancy nous a parlé du 6 décembre. Je vais peut-être répéter ce qu’elle a dit, mais je tiens à vous dire qu’en tant que femme j’ai connu la violence au cours de ma vie. C’est difficile d’en parler, et je n’entrerai pas dans les détails parce que je deviens trop émotive. Je n’avais jamais travaillé dans le domaine de la violence faite aux femmes. J’évitais peut-être de le faire en partie parce que ça me touchait de trop près. Mais ce jour-là, le 6 décembre 1989, j’ai compris ce que je n’avais jamais vraiment compris auparavant et je l’ai senti profondément. J’ai compris comment la misogynie et le sexisme sont une entrave au pouvoir et à l’égalité. J’ai aussi compris que nous avons toutes la responsabilité, où que nous soyons, de dénoncer la violence et de l’appeler par son nom. Pour cette raison, nous devons commémorer cette journée et lutter pour qu’elle soit reconnue officiellement. Nous nous sommes adressées au Premier ministre à ce sujet. Nous lui avons demandé d’instituer un jour du souvenir, non seulement pour les 14 femmes assassinées, mais pour toutes les victimes de la violence faite aux femmes et aux enfants, pour toutes les victimes de la violence masculine. C’est difficile de croire qu’il y a au Canada, dans notre société et dans nos familles autant, sinon plus, de femmes 42 avons pu organiser la grève des magasins Eaton. La solidarité dont on parle dans vos livres et la solidarité du mouvement syndical sur la question de la liberté de choix, c’est de là qu’elle vient. C’est notre persévérance, à mon avis du moins, qui a inspiré toute la politique actuelle entourant les coalitions. C’est aussi la solidarité des femmes, l’acceptation de nos différences, notre capacité de comprendre que ce que nous avons en commun est bien plus puissant que ce qui nous sépare, notre vision claire de notre objectif commun, car je crois à l’alliance du mouvement des femmes et du mouvement syndical, c’est tout ça. Nous avons bien d’autres alliés, mais je ne vais pas en parler pour le moment. Je crois que c’est ça notre plus grande force de toute l’histoire de notre lutte pour le changement social. C’est mon opinion. Grâce à cette alliance, nous avons le pouvoir de transformer le pouvoir. Nous le constatons aujourd’hui en Ontario. Les onze femmes du Cabinet n’y sont pas arrivées simplement parce que les hommes du NPD croient à l’égalité. Ils croient à l’égalité pour une raison, et c’est parce que les femmes ont lutté pendant dix ans. Au sein du parti, nous avons lutté pour l’accès à l’égalité. Au sein de la FTO, nous avons aussi lutté pour l’action positive. Ensemble, les femmes du NPD et les femmes de la FTO ont lutté pendant deux ans pour s’affirmer en matière d’accès au choix et d’accès à l’égalité, et c’est ça qui a aidé à transformer le parti et le leadership du parti. Ainsi, onze membres sur 26 sont des femmes. Qui plus est, nombre d’entre elles sont des féministes qui ne sont pas là simplement pour leur avancement personnel, mais plutôt pour transformer les relations de pouvoir et permettre à d’autres femmes d’accéder à des postes de pouvoir. Nous n’avons jamais vécu une telle situation auparavant, et c’est pour cette raison que je trouve la situation en Ontario plus que passionnante. Et ce n’est pas tout. Nous, de la base, nous allons continuer à lutter pour nous assurer que ces femmes n’oublient pas pourquoi elles sont où elles sont, car être membre du gouvernement peut, en fait, être extrêmement exigeant. Les temps sont difficiles, partout au pays. Il y a des défis à relever à tous les niveaux. Il y a une classe dominante qui, je crois, voit venir la fin de son pouvoir et, pour cette raison, lutte sur la scène internationale pour garder son pouvoir. Ici au Canada, nous avons un gouvernement qui cherche à détruire presque tous les gains que nous avons acquis, tant sur le plan des programmes sociaux que sur le plan économique, des programmes des femmes et des luttes des autochtones. Ce gouvernement est même prêt à utiliser la force militaire pour garder son pouvoir. C’est effrayant et ont véritablement, parce qu’elles sont organisées, parce qu’elles gueulent, parce qu’elles sont dures et parce que rien ne des arrête. Quoiqu’il en soit, nous devons prendre position et venir à bout du contrecoup, et la seule façon de le faire, c’est ensemble. Je me souviens de la conférence de la FTO de 1982. Un grand nombre de femmes avaient peur de s’affirmer et de lutter pour la légalisation des cliniques privées. Elles étaient sûres qu’il y aurait un contrecoup. Elles étaient persuadées que leurs confrères se moqueraient d’elles et les intimideraient au point où elles devraient quitter la salle. C’était à l’époque où il n’y avait que quelques femmes déléguées. Heureusement, nous nous sommes affirmées et nous avons lutté à l’occasion de cette conférence. Une consoeur, un peu plus âgée que nous, qui avait la réputation de syndicaliste mordue, s’est levée pour nous parler de son fils hémophile et nous dire qu’elle n’avait pas voulu d’autres enfants. Son fils venait de mourir. Il était lui aussi un ardent syndicaliste. Elle était alors dans la cinquantaine, et elle nous a raconté comment au cours de sa vie, elle avait dû avoir recours à des services d’avortement illégaux ou clandestins pour éviter d’avoir des enfants qui auraient souffert eux aussi d’hémophilie. On aurait entendu voler une mouche. Et il n’y a pas eu un seul petit rire sot pendant qu’elle parlait. Personne n’a quitté la salle. Il était 16 h 30. Nos confrères venaient de comprendre la moralité de la question, le sens véritable de la moralité de l’avortement, le sens véritable de la liberté de choisir, et ils ont voté massivement en faveur de la liberté de choix, car nous avions dit la vérité. Nous nous étions organisées ensemble, et nous étions solidaires et fortes. Ceci dit, je voudrais enfin vous parler de solidarité. Notre pouvoir à cette conférence nous venait aussi de la coalition du mouvement féminin, de la communauté des femmes et du mouvement syndical. La formation de cette coalition n’avait pas été chose facile, et je vous en parlerai une autre fois, car je n’ai pas le temps aujourd’hui. Nous avons vécu des moments vraiment difficiles. Les femmes du mouvement syndical se sont même faites traiter de bureaucrates au sein du mouvement féminin et elles ont ensuite refusé d’assister à ces horribles réunions menées dans l’absence de toute règle, dans la désorganisation totale et dans la sensibilité outrée, pour ne nommer que quelques-uns des problèmes. C’était affreux, mais nous avons persévéré. Certaines d’entre nous, tant de la communauté des femmes que du mouvement syndical, comprenaient l’importance de former une coalition, et nous avons tenu bon. C’est grâce à notre ténacité que nous 43 c’est difficile. C’est encore plus difficile pour les femmes. En fait, le mois dernier, des emplois ont été supprimés au Québec, et 27 emplois sur 28 étaient occupés par des femmes. C’est affreux. Nous avons un choix: nous pouvons soit nous retrancher chacune de notre côté et mener des luttes individuelles, et Dieu sait que nous en avons plusieurs à mener, ou nous pouvons unir nos forces et lutter en tant que coalition contre les politiques répressives du gouvernement. Nous pouvons lutter ensemble pour défendre nos droits collectifs et nos droits individuels et pour ce que nous avons en commun. Nous pouvons aussi nous appuyer mutuellement dans nos luttes personnelles. Ce sera de plus en plus difficile, car on cherchera à nous affaiblir et à nous diviser, et encore plus avec les temps difficiles. Néanmoins, je crois que notre expérience des dix dernières années et la solidarité des femmes au cours de ces années nous ont rendu fortes et nous gardent fortes. Nous en sommes à un point où nous pouvons transformer la notion du pouvoir patriarcal et véritablement améliorer notre société, en tant que femmes, en tant que travailleuses, en tant que minorités, et en tant qu’Autochtones. Ensemble, dans la solidarité et dans la solidarité féminine, nous pouvons y arriver. ALLOCUTION DE CLÔTURE Nancy Riche Vice-présidente exécutive Congrès du Travail du Canada J’aimerais dès maintenant vous présenter des invités spéciaux. Il y avait, au 18e étage, une chambre dont les murs étaient ornés d’admirables chefs-d’oeuvre. Chaque chambre à coucher comprenait au moins quatre lits et lits pliants, et des gens y dormaient même l’après-midi. Aujourd’hui, ils vont voir la parade du Père Noël. Mais auparavant, ils ont eu la bonne idée de venir vous saluer. Il s’agit des enfants de la garderie mise sur pied par Gayle O’Connor. Laissez-moi vous mentionner aussi le nom de ses collaboratrices et collaborateur, c’est-à-dire Maureen Mericle, Ann Loy, Angelo Coin, Margaret O’Connor et Gayle O’Connor, tous membres de la section 2204 du SCFP. Approchez, pour que toutes les participantes puissent vous voir. Il y avait 16 enfants à la garderie. Nous n’en avons jamais eu autant. Les tout-petits ne sont pas descendus, parce que nous aurions peut-être eu de la difficulté à les faire remonter. Quoi qu’il en soit, nous tenons à saluer les responsables de notre garderie. Nous aussi, nous aimerions aller à la parade du Père Noël, mais comme nous devons d’abord changer le monde, ce sera pour une autre fois. Je vous remercie d’être venues. Nous allons bientôt passer à la lecture du compte rendu des ateliers. Il s’agit d’un aperçu, ou peutêtre même un peu plus qu’un aperçu des travaux en atelier, qui a été préparé à la suite des réunions qu’ont tenues les animatrices jeudi et vendredi. Le compte rendu a été préparé par le sous-comité et trois rédactrices auxquelles nous avons demandé de nous prêter main forte. J’aimerais les remercier tout de suite, avant que nous passions à la lecture du compte rendu. Veuillez vous lever, si vous êtes ici, pour que je puisse vous présenter. Nous avons un petit souvenir à vous remettre. Je vous présente Donna Balkan, du SNFPP, Pat Van Home, des Métallurgistes, et Michelle Walsh, du Service des communications du CTC. Loin de moi l’idée de vouloir refroidir vos ardeurs, mais le but de la Conférence sur la condition féminine n’est pas d’établir des politiques. Cela ne signifie pas que les points qui ressortent des ateliers sont automatiquement soumis aux instances décisionnelles à tous les échelons du mouvement syndical. C’est vous, plutôt, qui les présenterez à vos sections locales, à vos fédérations provinciales, à vos syndicats nationaux, puis nous les présenterons au Comité et au Conseil du CTC. Toutefois, nous n’avons pas, pas plus qu’aucun autre comité du Congrès, le pouvoir d’adopter une résolution, puis de la soumettre à rassemblée annuelle. Néanmoins, il arrive assez souvent que des recommandations de la Conférence du CTC sur la condition féminine soient présentées sous forme de résolutions à l’assemblée statutaire. Cette conférence a été différente. En effet, nous n’avions pas à traiter de questions concrètes précises, comme l’équité salariale, c’est-à-dire comment l’obtenir, ce qu’il faut faire, ce qu’est un plan d’évaluation des tâches, ou encore l’action positive, l’équité en matière d’emploi, etc. Ce n’est pas ce genre de conférence que nous avions en tête. En fait, si cela avait été le cas, nous aurions discuté exactement des mêmes questions qu’à la Conférence de 1988. Il n’y a guère eu de changements pour ce qui concerne les questions pour lesquelles nous nous battons. La présente conférence visait à donner aux femmes l’occasion de réfléchir sur la nature du pouvoir et sur la façon de l’acquérir ou de l’obtenir. Ce n’est pas une notion facile à maîtriser. Nous avons toutes une certaine idée de ce qu’est le pouvoir, mais, règle générale, elle ne s’applique pas à nous. Nous connaissons toutes ce lieu commun, ce cliché: le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Il n’est guère surprenant, donc, que vous vous demandiez ce que vous en ferez. Toutefois, nous voyons apparaître de nouvelles formes de direction. Nous avons vu Audrey McLaughlin changer les structures de pouvoir au sein de l’aile parlementaire du NPD. Pour la première fois dans un parti politique, il y a des équipes de critiques. Les femmes ont un sens très développé du travail d’équipe, et nous devrions parfois analyser pourquoi nous préférons exercer un pouvoir collectif, au lieu d’un pouvoir individuel. Les femmes parlent de prendre le pouvoir, pour pouvoir le partager. C’est effectivement une notion assez complexe, à plus forte raison quand 600 personnes sont réunies à une conférence. Comment peut-on prendre une notion, la présenter, la décortiquer, l’analyser, puis revenir et dire que c’est ce que nous voulons? La première Conférence du CTC sur la condition féminine à laquelle j’ai assisté portait sur le congé de maternité payé. C’est ainsi qu’au retour de la conférence, j’ai commencé à parler des congés de maternité payés. Si j’avais commencé à parler du pouvoir, à plus forte raison à l’époque où cela se passait, j’aurais certainement été frappée d’ostracisme. Nous avons, en quelque sorte, réussi à éluder la question. C’est un sujet difficile, comme vous le constaterez à la lecture du document, qui fait état d’une controverse au sujet de l’organisation des ateliers. Nous voulons justement en parler. En toute honnêteté, je vous dirai que cette controverse m’enrage tellement que j’ai eu de la difficulté à aborder le sujet. Par contre, je me dis aussi que nous devons y faire face, et nous en parlerons. Je sais au moins que nous avons pris la bonne décision et que nous avons absolument raison sur la décision que nous avons prise. Je vous ai demandé, il y a quelques instants, si vous aviez aimé les ateliers. Vous m’avez répondu par l’affirmative. Cela tient sans doute au travail accompli par les animatrices des ateliers. Après tout, nous vous demandions seulement de travailler 18 heures par jour, d’être ici du samedi matin au samedi soir. N’oublions pas, soit dit en passant, que c’est nous aussi qui parlons de la réduction des heures de travail et d’horaires variables, pour ne nommer que quelques questions. Mais nous n’avons même pas le temps de nous l’accorder nous-mêmes. Nous réaliserons les horaires variables quand nous détiendrons vraiment le pouvoir, mais, d’ici là, nous devons travailler très fort. Je demanderais à toutes les animatrices de venir à l’avant, pour que vous puissiez les remercier. Je ne vais pas vous les présenter, mais Penni Richmond et Trish Blackstaffe leur remettront un petit gage de notre reconnaissance. Merci beaucoup. C’est maintenant l’heure de nous quitter, de retourner dans nos sections locales, dans nos fédérations et dans nos syndicats. Nous avons dit que nous espérons trouver réponse aux questions suivantes: "Où seront les femmes en l’an 2000? Comment y parviendrons-nous? En nous alliant avec qui?" De retour au travail après avoir assisté à ma première conférence sur la condition féminine, j’ai rédigé un rapport de 80 pages que j’ai envoyé au Bureau de mon syndicat, à Terre-Neuve. J’ai dit aux responsables: "Je veux que ce document soit envoyé aux 8 000 femmes membres du syndicat." Ils n’étaient pas tout à fait d’accord, mais ils se sont dit: "Nous avons intérêt à faire ce qu’elle nous demande." Cette conférence m’avait tellement enflammée que c’est à ce moment, je crois, que j’ai pris une décision. Sans doute parce que, ayant pris la peine de m’arrêter pour mieux réfléchir, j’ai fermé les yeux et je me suis rappelé cette salle remplie de consoeurs et le nombre d’entre elles qui se disaient: "Je croyais être la seule à penser ainsi." Nous avons toutes la même réaction. Nous fermons les yeux pour mieux réfléchir et nous nous souvenons que beaucoup de nos consoeurs pensent exactement comme nous. N’oubliez pas non plus que le Bureau de la femme est toujours prêt à vous appuyer. Si quelque chose vous embête, n’hésitez pas à communiquer avec le comité de la condition féminine de votre section locale ou de votre fédération, ou encore avec le Bureau de la femme du CTC. Je me fais leur porte-parole pour vous dire que nous serons toujours là pour vous appuyer. Vous n’êtes pas seules à mener cette lutte que nous avons décidé d’engager collectivement. Judy l’a bien dit, il n’est pas question seulement des femmes et du pouvoir, ni seulement de solidarité. D’une façon ou d’une autre, nous devons changer notre monde. Nous devons changer notre monde, pour ne plus voir un Premier ministre dire, à la télévision: "Nous allons trouver l’argent pour envoyer plus de soldats dans le Golfe. Nous allons trouver l’argent qu’il faut, et tant pis pour le déficit. " Par contre, il n’a jamais dit "tant pis pour le déficit" quand il était question de financer des programmes destinés aux femmes, des garderies ou des publications des autochtones. Malheureusement, quand il s’agit d’envoyer des jeunes gens se faire tuer dans le Golfe, ce n’est pas l’argent qui manque. Quelle logique! Quelle logique aberrante! Ainsi, il s’agit bien plus que de prendre le pouvoir. Nous nous sommes donné une mission quand nous avons commencé à participer activement au mouvement syndical, parce que nous n’avons jamais été un mouvement syndical qui se préoccupait uniquement des conditions de travail et des salaires. Nous avons dit qu’un tort fait à l’un ou à l’une d’entre nous est un tort fait à tous et à toutes. Nous avons dit que nous devons changer la société et, d’après moi, nous avons toujours cru que nous en avions le pouvoir. Maintenant, nous avons un peu plus de motivation. Je vous souhaite un bon retour à la maison. uicpb-225