Dans la traversée des Montagnes Rocheuses, il n’y a pas de wagon-restaurant, le train s’allége autant que possible, et l'on mange a des haltes ot la Compagnie a des buffets. (...) C'est plus loin que Win- nipeg que j'ai vu pour la premiére fois des Indiens. Ils viennent a la sta- tion de Medecine Hat, au passage des trains, pour vendre des objets de leur fabrication. Ils portent de grands cheveux, se teignent le visage en rouge, et en jaune, avec cela de grandes médailles aux oreilles, et s'enveloppent dans des couvertures bariolées, de sorte que l’on ne sait si ce sont des hommes ou des femmes. Il était trop tard pour que jaie pu prendre un instantané. J’ai demandé a l'un d’entre eux de poser, mais il voulait que je lui donne quatre dollars. Je me suis émerveillé de la traversée des Montagnes Rocheuses, cest splendide. Pendant un jour et demi, on n’a pas assez d’yeux pour admirer cette beauté sauvage. La ligne traverse des ravins d’une pro- fondeur effrayante sur des ponts de bois qui tremblent sous le poids du train, on cétoie des précipices ot tourbillonnent des cascades qui disparaissent dans des gouffres, et cela a toute vitesse. J’étais dans le dernier wagon et je me suis tenu tout le temps sur la plateforme pour ne rien perdre de ce beau spectacle. J’ai pris quelques vues que je vais tacher de développer avant mon départ pour Skagway, qui aura peut- étre lieu jeudi. Au sommet, nous avons trouvé plus d’un métre de neige; puis ca été la descente du cété de Vancouver. En quittant le glacier du sommet, la ligne fait un tour complet sur elle-méme pour trouver une issue, puis on entre dans la vallée du Fraser et 1a, c’est en- core plus beau; je ne crois pas que I’on voie rien d’équivalent, méme en Suisse. Il n’y a plus de neige qu’au sommet, on commence 4 sentir le printemps et tout est déja vert. Le fleuve coule dans un ravin, que la ligne cOtoie par un véritabe tour de force. A un moment donné, ce matin, le soleil avait formé un magnifique arc-en-ciel se détachant ad- mirablement sur le vert sombre des sapins. C’était vraiment féérique. On voit,sur le Fraser, des Chinois qui lavent les graviers pour trouver de lor, mais il y en a fort peu. J'ai trouvé le printemps 4 Vancouver; il fait trés chaud, il y a par- tout de la verdure et des fleurs. Presque toutes les maisons sont en bois, méme I’hétel of nous sommes. Il y a, a deux ou trois kilométres de la ville, un grand parc, au bord de l’océan, oi nous sommes allés nous promener aprés le lunch. On y voit des arbres géants. M. Tarut m’a photographié au pied de l’un d’eux, un cédre, qui vous étonnera par sa grosseur. LE TOURISME EN C.B.: Un lyonnais en C.B., c. 1896 Nous allons faire nos achats le plus vite possible, car il ne faut pas que nous nous attardions beaucoup, a cause du dégel qui pourrait nous surprendre. Il faut que nous soyons préts a partir jeudi au plus tard. (...) Vendredi, 19 avril (1896)? Nous nous embarquons ce soir sur le Cutch pour Skagway. J’opére ma transformation de gentleman en mineur pour quitter le monde civilisé. Je laisse ma malle 4 l’hétel avec tout ce que nous n’em- portons pas 4 Dawson. Tous nos approvisionnements sont achetés et il n’a pas fallu perdre notre temps pour nous procurer au moins 3,000 livres de marchandises dans différents magasins. On pourrait envier ma batterie de cuisine, qui est en aluminium, marmites et plats de différentes grosseurs, s’emboitant les uns dans les autres et tenant trés peu de place. Les couvercles servent de plats et d’assiettes. J’ai A peu prés tout ce qu'il me faut pour étre bien monté. Mon poéle a un four pour le pain. Comme nourriture, j’ai pris la meilleure qualité et variée autant que possible: du lait condensé et des conserves de boeuf, din- don, mouton, poulet, julienne, liebig, etc. des fruits tapés, chocolat, cacao et quelques bouteilles de vin Mariani, en cas de maladie. J’ai également acheté une petite pharmacie, avec les drogues les plus nécessaires. C’est la farine qui pése le plus, aussi nous n’en emportons que pour Atlin; nous en trouverons 4 aussi bon compte 4 Dawson. Le transport de tout cela va me cofiter presque aussi cher que l'achat, dix 4 douze sous par livre pour Dawson. (...) Nous avons donc fait deux parts de nos approvisionnements: celle qui doit nous suivre a Atlin; et autre, la plus importante, qui gagnera Dawson aussitét la navigation ouverte et pourra arriver presque en méme temps que nous. Nous partons d’ici avec nos vétements, nos outils et nos vivres, pour Atlin; nous nous rendrons a Bennett en utilisant la partie construite du chemin de fer de la White Pass. Il sera probablement terminé jusqu’au Lac Bennett en juin ou juillet, ce qui fera baisser notablement le prix du transport des marchandises. De Bennett, nous nous dirigerons sur Atlin, en passant par Tagish House. (...) Il y a un projet de chemin de fer du Lac Bennett jusqu’a Fort Selkirk. S’il s’exécute, le voyage de Dawson sera un vrai voyage d’agré- ment, l’année prochaine, dans la bonne saison. Deux jeunes américains on été tués par les Indiens, dont ils avaient profané les idoles. (...)” 13