NOTRE VIE DANS LA COMMUNAUTE Chaque dimanche, jallais 4 la messe et je suivais des cours de cathéchése. La messe était, 4 ce moment-la, donnée dans le magasin général de la Compagnie, au plancher du haut; parce que I’Eglise du Pére Maillard était encore en construction. Puis, bientét, ’hiver arriva. Il fut bien rude cetté année-la. La production au moulin fut réduite, les gens restaient bien au chaud dans leur maison, il y eut beaucoup de neige. Les Canadiens-Frangcais organisérent un orchestre et des équipes de baseball et tous les mois, il y avait des danses et rencontres au magasin général qui servait de centre social tout aussi bien. J’appris que ma mére était enceinte. Son état l’empéchait de travailler autant d’heures que d’habitude, j’ai da combler son temps en faisant des heures supplémentaires. Un jour, quelques mois plus tard, un médecin de New Westminster, vint en train jusqu’a Maillardville pour pendre soin de ma mére et de ma nouvelle petite soeur: Iréne, née le 8 avril 1910. Je restai seule 4 travailler a la cuisine de la Pension jusqu’en septembre. Le 11 octobre 1910, l’Eglise du Pére Maillard fut officiellement inaugurée. La vie allait de bon train. Pendant cet hiver 1910-1911, le bois de chauffage nous était livré 4 domicile, la plupart du temps par M. Ted Godin ou alors par M. Jérémie Boileau. DE DESASTRES EN EPREUVES Mon pére et mon frére travaillaient dix heures par jour, six jours par semaine. La ville grandissait et ses limites élargissaient. Sur la rue King Edward, les maisons parvenaient jusqu’a l’avenue Brunette. La Canadian Lumber Co. employait prés de 500 ouvriers. Le 26 février 1912, lEglise prit feu. Les pompiers de New Westminster furent appelés et les travailleurs du moulin arrétérent le travail pour venir aider a éteindre lincendie...sans succés. L’Eglise y passa entiérement. Laurette fut placée a l’école, dans un petit deux-piéce appelé Millside. Le 19 mars 1912, on célébra mon onziéme anniversaire de naissance; je recus une poupée que j'ai encore aujourd’hui, je crois. Le 16 avril sui- vant, mon pére revint du travail plus t6t que d’habitude. Il parla avec ma mére qui éclata en sanglots. Nous ne savions ce qui se passait. Nous apprimes, par la suite, que mon frére Joseph était tombé de la fournaise alors qu’il la nettoyait, et qu’il s’était tué sur le coup. (J’ai inscrit une croix sur la fournaise d’ot il était tombé.) Les amis vinrent nous récon- forter, nous offrir leurs condoléances, etc... et le Pére Maillard célébra, au magasin général, une messe de circonstance. Mes parents décidérent d’amener le corps de Joseph 4 Hull pour le faire enterrer a. Nous loudmes notre maison, y laissames presque tous nos effets et nous revoild encore une fois a traverser le pays en train! 10 MAILLARDVILLE EN MEMOIRE DE RETOUR A HULL " Nous passdmes deux ans a Hull. Mon pére retourna travailler au chantier de Maniwaki, 4 gagner $1.90 par jour; ma mére et moi: ... Ala cuisine de la Pension de Hull! C’est d’ailleurs 4 cette méme Pension, que nous passdmes les deux années suivantes, au cours desquelles une partie de nos salaires était mise de cété pour payer le voyage Hull- Maillardville. La chambre et pension nous cotitait $5.00 par semaine. La situation économique a Hull était 4 la basse, les conflits entre l’Angleterre et |'Allemagne provoquérent la Premiére Guerre Mondiale et des immigrants de toutes les parties d’Europe envahissaient le Québec. MAILLARDVILLE, APRES DEUX ANS...1914 Le 3 février 1914, nous descendions 4 la petite gare 4 Maillardville, oti plusieurs de nos amis nous attendaient. J’étais surprise de voir le changement: il y avait tellement de nouvelles constructions: un bureau de poste, un bureau additionnel pour la direction de la compagnie, plusieurs petits magasins et méme le chantier de la compagnie s’était développé considérablement. La Canadian Lumber Co. était mainte- nant l'industrie de bois la plus considérable en C.B. et la deuxiéme plus grande au monde. Un moulin a bardeau, une manufacture de portes et une usine de contreplaqué avaient été ajoutés. Les bateaux noir- cissaient la Riviére Fraser. Mon pére reprit son travail avec la com- pagnie, mais cette fois en temps que responsable du transport du bois. II tirait le bois A des endroits comme Langley, New Westminster, Surrey, etc..., conduisant une équipe de quatre-vingt-seize Clydesdale (chevaux de halage, d’origine écossaise). Il gagnait $2.60 par jour. Huit cent cinquante hommes travaillaient 4 la Canadian Lumber Co. L’APRES-GUERRE : Mais, la dépression de l’aprés-guerre se faisait sentir partout, Laurette et moi travaillions toutes deux a la cuisine de la Pension et ma meére restait 4 la maison avec la petite Iréne. La paye de mon pére descendit 4 $2.10 par jour, la production de l'industrie ralentit, léconomie était en déclin. En 1918, la vie était meilleure. Les payes des ouvriers au Fraser Mills augmentérent. Laurette et Iréne furent en- voyées a l’école. Mon pére redevint opérateur 4 la scierie. Et moi, je devenais une jeune adulte a 18 ans. Je gardai mon travail a la cuisine jusqu’aux débuts des années ‘20, au jour oti la pension fut détruite. Je rencontrai un jeune homme, John McQueen. J’avais 21 ans lorsque nous nous sommes mariés. John travaillait a l'usine du contreplaqué et nous habitions l’hétel. Ma jeunesse est terminée, j'ai maintenant ma propre famille et jespére que leur vie sera aussi heureuse que la mienne.